Début d'avril oblige, je suis allée admirer vendredi les cerisiers en fleurs. S'ils étaient timides il y a dix jours, les sakura ont finalement fleuris cette semaine !
Instituée depuis la période Nara (710-784), la contemplation des cerisiers, dit “Hanami”, est au Japon une activité privilégiée de ce début de printemps : véritable moment de célébration du retour de la belle saison, Hanami représente avant tout une jolie occasion de se retrouver en famille ou entre amis, afin de passer un bon moment.
Vendredi soir, c'était mon tout premier Hanami. Autant vous dire que j'étais excitée comme une puce à l'idée de découvrir cette coutume tant vantée par les guides touristiques comme étant LE point culturel à ne pas manquer en ce début de printemps. Parce que oui, les fleurs c'est bien joli, mais la manière dont les Japonais accueillent ce moment particulier, ainsi que la signification qu'ils peuvent lui donner, m’intéressent beaucoup plus.
C'est donc pleine d'entrain que je me suis rendue au parc Inokashira, l'un des plus beaux spots à sakura, selon les guides internet, avec le parc Ueno et celui de Yoyogi.
16h30 : j'arrive à l'entrée du parc toute guillerette à l'idée d'admirer les cerisiers et leurs jolis pétales tout roses.
Après quelques minutes de marche pour atteindre les bords de la rivière Kanda, c'est chose faite : je me retrouve au milieu des cerisiers, dont les branches viennent effleurer la surface de l'eau sur laquelle les rayons du soleil se reflètent.
Les sakura se balancent lentement au gré de la brise printanière, et les pétales les plus fragiles s'envolent doucement pour venir mourir le long de la berge. Au loin, les pédalos avancent en rythme sur le cours de l'eau, et s’éloignent progressivement du rivage recouvert d'immondes bâches bleues. WAIT…WHAT ?!
16:40 : mon image bucolique d’Hanami est définitivement morte.
Exit le cadre idyllique digne des plus belles couv’ du magazine GEO. Au revoir doux rêve de quiétude sous les pétales de sakura. Bonjour odeur de bière nauséabonde, brouhaha de fond sonore, et foule venue contempler les cerisiers et se prendre accessoirement (ou serait-ce l'inverse ?) LA cuite de l'année. Parce oui, Mesdames Messieurs, ici, il n'y a pas que l'eau de la rivière Kanda qui coule à flot !
Si je vous ai dit qu’Hanami représentait une belle occasion de passer du temps avec ses proches dans un cadre paradisiaque, il faut interpréter cela dans le sens nippon du terme : Hanami, c'est avant tout un moment propice à la picole à l'ombre des cerisiers en fleurs.
Dans une société où les pressions sociales sont très fortes, l'alcool s'impose incontestablement comme l'anti-stress numéro un du pays. Désinhibant total, il semble être le meilleur moyen que les Japonais aient trouvé pour se laisser aller et tenter d'oublier, ne serait-ce que quelques heures, les obligations du quotidien.
Se retrouver entre collègues à la sortie du travail pour prendre un verre est même une logique parfaitement intégrée à la routine des salarymen, si bien qu'il n'est pas rare d'en croiser certains rire à gorge déployée dans la rue, chose qu'ils ne se seraient jamais permis en temps de sobriété. Et si vous êtes chanceux, vous pourrez même rencontrer sur les coups de 22h des corps bien éméchés, à moitié affalés sur les trottoirs de la capitale !
Moyen de relâcher la soupape, je me doutais que l'alcool tiendrait une place de premier plan dans les festivités d'Avril. Mais je ne pensais pas que ce serait à ce point ! Les dispositifs mis en place pour permettre aux gens de pique-niquer contrastent réellement avec l'aspect bucolique des fleurs de cerisiers : bâches qui recouvrent une bonne partie de la pelouse, énormes poubelles bricolées pour entasser les déchets (on ne rigole pas ici avec les ordures, même lors des matsuri !), buvettes mises en place pour rassasier ceux qui n'ont pas pris de quoi manger ou boire sur place, tout a été soigneusement préparé pour que l'on puisse squatter sous les arbres. Peut-être est-ce la déception qui parle, ou mon côté Miss Prout-prout, mais je trouve qu'il est difficile d'apprécier la beauté des fleurs avec les effluves d'alcool qui vous remontent aux narines tous les trois pas.
Ma vision onirique d’Hanami a donc pris cher : moi qui pensais passer un moment paisible à contempler les cerisiers dans un calme olympien, je n'ai qu'à fermer les yeux pour me croire à la fête de la bière de Munich. Autant vous dire que la désillusion est grande !
Déçue dès les premières minutes, je continue alors ma promenade en essayant de me concentrer sur les choses positives qu’Hanami a à offrir : les cerisiers sont magnifiques, les rires sont pleins de sincérité, et les sourires sur les visages des petits et des grands font chaud au cœur.
Et là, au bout d'une vingtaine de minutes à contempler les sakura sur un banc entre un duo de pipelettes et un couple qui doit plus aimer les selfies qu'ils ne s'aiment mutuellement, je comprends : Hanami, c'est le partage et la convivialité avant la bière.
Accueillir la nouvelle saison, espérer le meilleur pour les jours à venir en compagnie de ceux qui nous sont chers, voilà, je pense le véritable sens de ce moment de l'année tant attendu.
Je ne peux que spéculer, puisque selon moi, je n'ai pas FAIT Hanami : j'étais seule, loin de ma famille et de mes amis restés en France, et je n'ai donc pas pu saisir cet enjeux de partage avec l'entourage qui semble être une notion fondamentale à la contemplation des cerisiers au Japon.
Mais je ne désespère pas ! Comme pour les Japonais, les sakura m'ont donné espoir, et c'est avec de belles pensées que je ressors du parc, motivée plus que jamais à apprécier ma vie d'expatriée, à m'ouvrir aux autres, et à revenir l'année prochaine admirer les cerisiers, pourquoi pas accompagnée cette fois-ci.
En attendant, je vous laisse découvrir en images, les choses (parfois surprenantes) que l'on peut trouver dans tout parc digne de ce nom pendant la période d’Hanami !
Conclusion :
On en reparle l'année prochaine !
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