top of page

Bref, je suis allée chez le médecin






Ah l'hiver ! La douce lumière du soleil pâle, le vent frais, les chocolats chauds sous le kotatsu, la grippe…


Et oui, cette semaine j'ai découvert les joies des maladies japonaises ! Les virus ici, c'est comme les cafards : ils sont plus effrayants et pénibles que leurs versions françaises.


Depuis le week-end dernier je ne me sentais pas très bien : j'étais nauséeuse et avais un peu mal au ventre. Mercredi matin, la conduite sportive du chauffeur de bus a fini par déclencher ce qui devait arriver. Le plus humiliant ? J'hésite entre le fait d'avoir la tête dans un sac plastique tout le long du trajet, ou le fait que les mamies elles-mêmes m'aient laissé une place assise et me tapotaient le dos en demandant si ça allait. L'une d'elle a même sorti son éventail pour faire de l'air à la « petite jeune qui s'est sentie mal », c'était adorable. Dégradant, mais adorable.


C'est le moment normalement où je mets une petite photo de transition, mais je pense que vous comprendrez tous que cette semaine il y aura moins de photos qu'à l’accoutumé. A la place, il y aura des petites étoiles. Je laisse le soin à votre imagination de les remplacer par l'image mentale de votre choix (ne loupez pas le coche !).


                      ******      ******      ******      ******      ******  

 

Après avoir rampé pendant quinze minutes dans la rue en m’arrêtant tous les cinq pas pour cause de vertige, j'arrive ENFIN au travail. Saluant rapidement la secrétaire, je jette mes affaires dans le vestiaire et fonce aux toilettes. Six aller-retours bureau/WC plus tard, une tasse de thé qui passe mal et l'amer regret de ne pas être restée couchée ce matin, la secrétaire déboule dans la pièce, masque sur le nez et aérosol désinfectant en main, pour me dire de mettre un masque et d'aller à l’hôpital : « Tu ne veux pas aller à l’hôpital ? Tu devrais aller à l’hôpital ! C'est bien l’hôpital ! Tu es sûre que tu ne veux pas y aller ? » NON je n'ai pas envie d'aller à l’hôpital, merci !


Vingt minutes plus tard, tout le monde a son petit masque sur le visage et me fuit comme la peste, à coup d'aérosol pour certaine. Même mon collègue français dont j'espérais un minimum de compatriotisme me sort : « c'est pas contre toi hein, c'est juste au cas-où ». Collabo !


En fin de matinée, le boss me convoque dans son bureau pour me donner l'adresse d'un médecin à consulter de toute urgence car « être malade et peut-être contaminer les clients c'est mauvais pour l’image ». Et moi qui pensais qu'on s'inquiétait pour moi… petite naïve ! Bref, je vais aller chez le médecin.


                       ******      ******      ******      ******       ******      


Au Japon, il n'y a pas de cabinet particulier comme en France, mais des cliniques privées et des hôpitaux. L'adresse que m'a donné mon patron était celle d'une petite clinique à deux stations de train de mon lieu de travail. Ici, pas besoin de prendre rendez-vous pour consulter un médecin généraliste. Les praticiens ont des horaires assez larges qui permettent un fonctionnement de type “urgences” à la Française : vous venez si vous êtes malade, et le premier arrivé sera le premier servi.


Le docteur Nozaki travaille du lundi au samedi matin (sauf le jeudi) de 9h à 13h, et de 15h à 19h. J'y vais donc pour 15h, pensant être la première à passer. J'arrive à 15h30 (erreur de paramétrage : je n'avais pas pris en compte les nausées).


Situé au huitième étage d'un building près de la gare de Musashisakai, le cabinet La Rose Des Sables est une petite clinique privée qui regroupe un médecin généraliste et trois infirmières.


Passée les portes automatiques, je me retrouve devant le guichet d'accueil où la secrétaire en uniforme rose me demande ce qui m'amène. Après lui avoir expliqué mes malheurs, elle me demande ma carte d'assuré (hokenshô) et m'informe que je dois remplir un formulaire de renseignements sur mes antécédents médicaux pour qu'elle puisse monter mon dossier. Bien que cette dame ne parle que Japonais, elle me propose de choisir la langue du document (Anglais ou Japonais) pour faciliter mes démarches. Une fois le formulaire complété dans un mélange d'Anglais et de Japonais (qui l'eut cru que je connaissais plus de vocabulaire médical en Japonais qu'en Anglais !), je me dirige, thermomètre sous le bras, vers la salle d'attente qui n'est autre que le prolongement du guichet.


Cette pièce est un mélange entre la salle d'attente d'un cabinet particulier français et celle des urgences d'un hôpital : en face du guichet, une rangée de banc aboutit sur une fenêtre, à côté de laquelle se trouvent un canapé et une table basse. Étant donné qu'il y a deux patients avant moi, j'ai le temps d'observer la décoration de la salle d'attente : campagnes de prévention, publicités pour les restaurants et cafés locaux, diplômes du personnel ?!


Et oui ! Ici, il est coutume au sein des cabinets privés d'afficher les diplômes des professionnels de santé. Pourquoi ? Pour le prestige, mais également pour le chiffre d'affaires.


Le Japon est un pays libéral. Comprenez donc que l'assurance de santé nationale ne couvre que 70 % de vos frais médicaux et que votre cotisation varie en fonction de votre salaire. Si vous voulez être remboursé complètement, il vous faut alors souscrire à une assurance privée qui coûte en général les yeux de la tête. Pays libéral oblige, la libre concurrence s'applique et les prix des services médicaux, souvent très chers, varient d'une clinique à l'autre selon la réputation du médecin, l'emplacement du cabinet, ou encore le matériel et les techniques de soins pratiquées. Plus vous recevrez d'actes médicaux, plus vous paierez une somme importante puisque l'on vous facture l'acte du praticien, mais également le matériel et les produits utilisés. Conseil de pauvre donc : si on vous propose une perfusion, véritable péché mignon des médecins japonais, et qu'elle n'est pas nécessaire (sous-entendu que des médicaments par voie orale feront l'affaire), refusez-là. Votre porte-monnaie ne s'en portera que mieux. Seul bon point financier de l'histoire : le tiers-payant (et là les professionnels de santé français qui composent mon lectorat font des bonds).


Se soigner est véritablement un commerce ici. Pour juger de la concurrence, un site a été mis en place pour aider les patients à faire leur choix parmi les nombreuses cliniques et hôpitaux de la région du Kanto.


Doctor’s file, c'est un petit peu le Mister Good Deal du domaine médical : on vous présente les cliniques comme si elles étaient des hôtels, et vous avez les interviews exclusives des médecins de l'établissement qui prônent à qui veut le lire que leur clinique est LA meilleure pour X raisons. Bien que ce site indique les principaux renseignements relatifs à l'établissement tels que les horaires d'ouverture, la géolocalisation du cabinet, ou encore les spécialités des professionnels de santé qui y travaillent, il oriente votre choix de manière à ce que vous choisissiez votre médecin en fonction de son sourire Freedentou de la taille des alèses que sa clinique offre. Venant d'un état providence comme la France, j'ai été assez choquée par ce genre de méthodes qui fait basculer le malade d'une position de patient à celle de client.



(Photo : Doctor’s file, pas de mystères que des bonnes affaires (source : doctorsfile.jp))

(Photo : La réception d'un hôtel ? Non, une clinique dentaire à Kanagawa (source : doctorsfile.jp)).

(Photo : Le docteur Nozaki, un homme bien sympathique… et compétent ! (source : doctorsfile.jp))



Mais revenons à mes malheurs ! Sortie de mes pensées par le bip du thermomètre, je le rapporte à la secrétaire qui me dit de patienter encore quelques minutes. Vingt minutes plus tard, et détenant la réponse que vous attendez tous (mais que vous ne saurez qu'à la fin de ce billet), la secrétaire m'appelle/hurle mon nom, et m'escorte dans la salle d'examen… ou devrais-je dire le couloir d'examen.


Reliant le bureau du médecin à la salle de repos des infirmiers, ce couloir est composé de trois lits séparés par des rideaux roses. Je suis alors réceptionnée par une infirmière qui me dit d'enlever mes chaussures et de m'allonger. Et là, je patiente. Au bout d'une quinzaine de minutes, je me décide à aller voir du côté de l'infirmière pour savoir s'il n'y a pas quelque que je n'ai pas compris, mais non : je dois juste attendre le médecin, allongée sur mon petit lit à regarder Tokyo depuis la fenêtre. Quelques clics de smartphone plus tard, le généraliste tire le rideau rose, me salue et commence à m’ausculter. Le verdict tombe : j'ai attrapé un virus qui se balade dans la région depuis quelques semaines. Rien de bien méchant donc, mais cela mérite trois jours d'arrêt maladie et cinq jours de traitement. Quoiqu'il en soit, je refuse la perfusion qu'il me propose et dois maintenant retourner en salle d'attente afin de recevoir mon ordonnance. Après une dizaine de minutes, la secrétaire m'appelle pour que je vienne récupérer ma carte d'assurée, mon ordonnance et ma fraîchement-créée-carte de consultation.


La carte de consultation (shinsatsuken), c'est la carte de fidélité des cliniques japonaises : la première consultation étant toujours plus chère que les autres, plus vous viendrez, moins vous paierez. Moyen de fidéliser la clientèle, cette carte permet également de dissuader le patient d'aller à la concurrence, puisque chaque établissement tarife la première visite plus chère que les suivantes.


Pour dix minutes de consultation et  quarante-cinq d'attente, j'ai payé 1 100 yens, tiers-payant effectué (soit environ 9 euros). La consultation me serait revenue à 3 500 yens sans couverture sociale (l'équivalent de 27 euros). On se rapproche donc des 25 euros de consultation d'un généraliste français.


La secrétaire me remercie d'être venue (quand je vous dis que nous sommes dans une démarche client….) et me souhaite un « prompt rétablissement » avant que je ne quitte la clinique. Direction maintenant la pharmacie !



(Photo : Voici le verso de ma carte de consultation, digne des cartes de fidélité des Galeries Lafayette)




Au Japon, la pharmacie est une partie du Drug Store, et son fonctionnement est analogue à celui de la poste ou de tout autre service administratif japonais : il suffit de prendre un ticket et d'attendre son tour sur un banc.


Néanmoins, le service de cette pharmacie est nettement mieux que celui de la poste ! A peine ai-je pris mon ticket qu'une pharmacienne en uniforme blanc me demande si c'est la première fois que je viens ici. Elle me donne alors un formulaire en Anglais à remplir sur mes antécédents médicaux et mes risques allergènes, avant de prendre mon ordonnance. Une fois le formulaire rempli (toujours dans ce fameux mélange de Japonais et d'Anglais dont j'ai le secret), je m'en vais patienter sur mon banc et m'adonner à mon activité favorite : l'observation. Et là, surprise ! Je constate que tout le monde a un petit gobelet en carton. Je détourne alors mon regard et découvre l'existence d'un distributeur de boissons chaudes GRATUIT ! Le plus étonnant ? Les malades prennent leurs boissons en même temps que leurs tickets. Un peu gênée, je n'ose pas me relever pour prendre un thé, et je profite plutôt de l'émission de variété qui passe à la télévision mise à disposition des clients. Car oui, ici tout est fait pour vous aider à tuer le temps : magazines en tout genre, télévision, boissons chaudes, vous n'avez que l'embarras du choix. Si vous n'êtes pas fan de ce genre de choses, vous pouvez aussi imiter les petites mamies assises à côté de moi : partir faire du shopping dans l'espace Drug Store du magasin.


Quelques minutes plus tard, une pharmacienne m'appelle pour que je vienne récupérer mes médicaments. Elle me remet alors deux petites pochettes sur lesquelles sont imprimés deux tableaux. Ces tableaux sont véritablement LA meilleure chose que j'ai vu dans le domaine médical jusqu'à présent (ça, et le haricot !). La première pochette regroupe les médicaments à prendre avant les repas, tandis que la seconde contient les médicaments à  prendre après manger. Les tableaux imprimés sont des récapitulatifs destinés aux malades pour leur expliquer comment prendre leurs traitements : la première colonne indique le nom du médicament, la deuxième comporte une photo du cachet/sachet, les trois colonnes suivantes représentent les repas et s'accompagnent d'un numéro indiquant le nombre de doses à prendre, et la dernière colonne indique le nombre de cachets/sachets que vous avez dans la pochette. Car oui, au Japon, on ne vous donne pas les boites mais le nombre exact de doses que vous aurez à prendre pendant toute la durée de votre traitement. En somme, avec cette méthode, il est quasi-impossible de se tromper de dosage ou d'horaire.


S’ensuivent alors la douloureuse de 3 170 yens non remboursés (environ 25 euros), et le « prompt rétablissement » de la pharmacienne.



(Photo : Merci à celui qui a inventé la pochette pharmaceutique explicative. Je t'aime ! (PS : j'ai essayé de cacher les renseignements personnels, d'où l'angle un peu étrange de la photo. Merci de votre compréhension)).



Conclusion


Du personnel soignant très efficace et sympathique, une démarche commerciale qui peut s'avérer rapidement coûteuse pour le patient, la magie du tableau pharmaceutique explicatif, et la réponse à la question que vous vous posiez tous… Non, les magazines en salle d'attente ne sont pas aussi anciens que ceux proposés dans les cabinets français ! Il y avait bien quelques couvertures de décembre dernier dans cette clinique, mais rien ne datait de Mathusalem comme les revues que l'on peut trouver chez tout bon médecin de l'hexagone qui se respecte.





Liens utiles


→ Le site Doctor’s file : http://doctorsfile.jp/


→ Le site de la clinique La Rose Des Sables : http://nozakiclinic.cool.coocan.jp/nozakiclinic/


27 vues
bottom of page