Il est beau, il est grand, il est fort, non ce n’est pas Jason Momoa mais le secteur du tourisme au Japon !
Avec plus de 31,19 millions de visiteurs étrangers en 2018 (Japan Tourism Agency, 2019), le tourisme nippon est un business florissant. Ses dernières recettes annuelles s’élevaient à 41,1 billions de dollars, et il aurait généré plus de 195,000 nouveaux emplois au cours de l’année du chien d’après le récent bilan du ministère (2019). Le marché devait alors continuer sur cette lancée, la dernière coupe du monde de rugby ayant rempli de joie l’Afrique du Sud comme les professionnels du voyage, et les Jeux-Olympiques s’annonçant comme la cerise sur les commissions, le pompon sur dix années de profit à la hausse.
Oui mais voilà, les plans sont faits pour être mis à mal et le marché de Wuhan est un véritable nid à miasmes. En décembre dernier, le Coronavirus (ou COVID-19 pour les intimes) faisait son apparition dans les poumons de nos voisins chinois. Ce mois-ci, c’est une vague de licenciement qui a touché l’une des compagnies pour lesquelles je travaille.
Avec plus de 1,000 tests positifs au COVID-19 ce premier mars (Ouest France, 2020), dont plus de 700 sur la croisière la plus diffusée à la télévision depuis Titanic, le Coronavirus a en effet eu des répercutions sur le quotidien japonais. Un quotidien qui prend une tournure étrange pour ma part, puisque je suis désormais cantonnée au télétravail et à la semaine de 4 jours jusqu’au 30 juin.
Parce que les voyageurs se demandent tous s’ils doivent partir, j’ai décidé cette semaine de vous compter l’histoire de celui qui est en train d’y rester. Quelle est la situation actuelle du tourisme au Japon vue de l’intérieur ? Quelles sont les problématiques auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques semaines ? Voici un très court retour d’expérience en attendant que l’orage passe.
Sirop de fermeture et cachet d’annulation, le remède touristique au virus
Si j’ai bien envie de m’épancher sur la pénurie de PQ tokyoïte qui sévit depuis la semaine dernière ou sur la leçon sanitaire digne d’un pays du tiers-monde qu’a donné le Japon avec sa quarantaine amarrée à Yokohama, c’est des conséquences directes du COVID-19 sur le tourisme dont je vais vous parler ici ̶(̶l̶e̶ ̶P̶Q̶ ̶p̶o̶u̶r̶r̶a̶ ̶e̶f̶f̶e̶c̶t̶i̶v̶e̶m̶e̶n̶t̶ ̶d̶e̶v̶e̶n̶i̶r̶ ̶u̶n̶ ̶p̶r̶o̶b̶l̶è̶m̶e̶ ̶t̶o̶u̶r̶i̶s̶t̶i̶q̶u̶e̶ ̶m̶a̶j̶e̶u̶r̶ ̶s̶’̶i̶l̶ ̶n̶’̶y̶ ̶a̶ ̶p̶l̶u̶s̶ ̶u̶n̶e̶ ̶f̶e̶u̶i̶l̶l̶e̶ ̶d̶a̶n̶s̶ ̶l̶e̶s̶ ̶h̶ô̶t̶e̶l̶s̶,̶ ̶m̶a̶i̶s̶ ̶s̶i̶ ̶j̶a̶m̶a̶i̶s̶ ̶c̶e̶l̶a̶ ̶a̶r̶r̶i̶v̶e̶ ̶o̶n̶ ̶y̶ ̶c̶o̶n̶s̶a̶c̶r̶e̶r̶a̶ ̶u̶n̶ ̶a̶r̶t̶i̶c̶l̶e̶ ̶e̶n̶t̶i̶e̶r̶ ̶j̶e̶ ̶v̶o̶u̶s̶ ̶l̶e̶ ̶p̶r̶o̶m̶e̶t̶s̶).
Le 28 février dernier, le gouvernement japonais choquait les parents de l’archipel en fermant les écoles publiques pour plusieurs semaines. Ce coup dura alors été suivi d’un deuxième choc pour tous ceux qui comptaient emmener leurs chères têtes brunes à Disneyland Tokyo dans l’espoir d’occuper leurs dix doigts, puisque le célèbre parc d’attractions a annoncé qu’il fermerait également ses portes jusqu’au 15 mars.
Comme lui, de nombreux autres lieux publics sont en effet été appelés à fermer de manière temporaire.
Les informations relatives à l’ennemi étant encore assez floues, les autorités japonaises ont préféré limiter les risques de contagion en fermant les lieux susceptibles de favoriser les effets de foule. Du musée d’art moderne d’Hokkaido au château de Kumamoto en passant par le musée Ghibli et la Tokyo Skytree sur la capitale, ce sont ainsi plus d’une quarantaine d’établissements qui ne recevront plus de visiteurs jusqu’à la mi-mars.
Afin d’éviter les mauvaises surprises si vous voyagez, je vous conseille donc fortement de suivre l’actualisation quotidienne de la liste du JNTO (Japan National Tourism Organization), l’Office National du Tourisme Japonais rattaché au Ministère du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme. On ne sait jamais !
Si les principaux lieux clos sont mis à l’arrêt forcé, les espaces en plein air ne sont pas non plus épargnés par la tentative un poil tardive du gouvernement d’enrayer l’épidémie.
Ce dimanche, c’est par exemple le Marathon de Tokyo qui est annulé. Un drame pour les férus de coureur en short moulant, un acte inédit pour les vieux de la vieille qui ont grandi avec l'événement inauguré en 1981, mais surtout une annulation qui fait écho à plusieurs autres concernant des marchés de niche, à l’image du Grand Tournoi de Printemps de Sumo qui devra se jouer à guichet fermé à défaut d’accueillir plus de 7,000 spectateurs par jour, ou des concerts de BTS dont l’annulation crève déjà le cœur de milliers d’Army à travers l’archipel (CNN, 2020).
Vous me direz peut-être que tout le monde n’apprécie pas un bon match de sumo ou une jolie chorégraphie de K-pop et que vous n’êtes pas concerné(e). Certes. Cela dit, le commun des mortels est aussi touché par les directives touristico-sanitaires du gouvernement ! Du moins à Tokyo, où les autorités locales ont mis l’embargo sur les festivités les plus attendues de l’année en matière de tourisme : Hanami.
Si vous comptiez aller à la buvette du festival des cerisiers de Nakameguro la semaine prochaine, c’est raté, le matsuri a été annulé !
Face à l’engouement des Japonais pour les pétales en fleur, les élus municipaux ont en effet préféré mettre le holà. Yoyogi, Ueno, ou encore Inokashira, cette année les parcs se verront privés de pique-nique (The Japan Times, 2020 ; Tokyo Weekender, 2020). Les rassemblements autour des sakura sont désormais interdits dans la plupart des espaces verts de Tokyo, et les festivaliers sont invités à célébrer le début du printemps en petit comité, en marchant (plus ou moins rapidement) le long des cerisiers avec un masque sur le nez.
Quand on sait que hanami est un symbole de renouveau et d’espoir au Japon, on se dit que les pétales n’ont jamais fleuri à un meilleur moment !
Heureusement tout n’est pas noir ! Et bien que de nombreux projets aient désormais quitté les To Do List des voyageurs, beaucoup de lieux publics accueillent encore les visiteurs téméraires, à commencer par les cafés et les magasins qui fonctionnent normalement pour le moment. Quel dommage, mes agents ont déjà annulé la moitié de leurs voyages pour ce mois-ci !
Travail à la maison, annulation et déficit, mon nouveau quotidien ?
Qu’y a-t-il de pire que d’ouvrir sa boite mail et de voir un nombre à deux chiffres à côté de ‘’messages non-lus’’ ? Peut-être d’ouvrir sa boite mail et de voir que le nombre à deux chiffres à côté de ‘’messages non-lus’’ désigne également le nombre d’annulations et d’itinéraires de voyage reportés à l’année suivante.
En effet depuis trois semaines, les agents de voyage me boudent. Ou plutôt leurs clients les boudent et les agents en viennent aussi à me bouder, comme si la bouderie était un élément d’un mauvais téléphone arabe.
Le phénomène a commencé mi-janvier alors que le COVID-19 sévissait en Chine, pour s’amplifier début février avec la saga du Diamond Princess, avant de tripler d’intensité ces derniers jours lorsque le gouvernement a commencé à mettre en place ses mesures de prévention.
D’une moyenne de deux confirmations d’itinéraire par jour et de trois nouvelles créations avec devis, je suis donc passée à un joli score journalier d’une confirmation et d’un unique devis, avant d’atteindre celui encore plus prestigieux de zéro confirmation et de quatre annulations par jour.
Cette semaine, j’ai même battu mon propre record : six annulations en une seule matinée pour les mois à venir sans bien évidemment aucune confirmation !
Quand on sait que la saison de Hanami est la plus ‘’rentable’’ de l’année, le record paraît tout de suite bien amer.
Alors oui, j’ai moins de travail me direz-vous. Quoi qu’il faille encore modifier les itinéraires déjà vendus pour qu’ils siéent aux clients qui les ont acheté via leur agent. Cependant, j’ai également moins de recettes. Et mon joli score multiplié par une centaine d’employés a fait que ce qui devait arriver arriva : à défaut de gagner de l’argent, l’entreprise en perdit.
La semaine dernière, une vague de licenciements a donc été amorcée. Les salaires ne pouvant plus être payés, certains collègues ont dû quitter le navire quand ceux qui restent ont été relayés à la semaine de quatre jours.
Pour ma part, cette mesure récente s’est également accompagnée d’une nouveauté : le télétravail.
Là où mes compagnons de galère n’ont eu le droit qu’à un jour hebdomadaire de travail à la maison, bibiche, mes poumons d’huître, l’infection pulmonaire que je me suis faite il y a trois semaines, et la tâche qu’on m’a trouvé dans le poumon gauche en octobre dernier ̶(̶c̶e̶ ̶n̶’̶e̶s̶t̶ ̶p̶a̶s̶ ̶c̶a̶n̶c̶é̶r̶e̶u̶x̶ ̶a̶l̶o̶r̶s̶ ̶n̶e̶ ̶s̶o̶r̶t̶e̶z̶ ̶p̶a̶s̶ ̶l̶e̶s̶ ̶v̶i̶o̶l̶o̶n̶s̶)̶ m’ont permis de profiter du télétravail à durée plus ou moins déterminée. Je suis donc confinée chez moi officiellement jusqu’au 30 juin, avec possibilité d’extension si le COVID-19 décide de rester illégalement sur le territoire japonais sans visa pour plus de trois mois.
Ne me créez pas tout de suite de cagnotte Leetchi, je vais bien (du moins professionnellement parlant) ! J’ai chaque semaine un long week-end de 3 jours qui me permet d’équilibrer désormais mes activités de pigiste avec celles de Travel Consultant, et je savoure ma chance de pas avoir mis tous mes œufs dans le même panier contrairement à de nombreuses personnes du milieu.
Bien évidemment, mon entreprise n’est qu’un cas isolé. Et appartenant à un gros groupe présent dans plusieurs pays du monde, elle s’en sortira.
Cela dit, ce ne sera peut-être pas le cas d’entreprises plus modestes. Et que ce soient dans de petites agences de voyage, dans des sociétés de guide, ou même dans de petites échoppes de souvenirs perdues dans le quartier de Gion, le COVID-19 menace aujourd’hui plusieurs emplois du secteur touristique au Japon.
Il faudra sûrement attendre que l’orage passe pour en entendre les répercutions chiffrées dans les médias, mais qu’importe, je voulais souligner le phénomène alors que les bourrasques soufflent au présent. Avec un peu de chance, le ciel reviendra bientôt bleu...
HS : quelques recommandations de Mamie Frenchy Japan
Le travail c’est bien, mais la santé c’est mieux !
A défaut de parler des J.O qui sont sur toutes les lèvres lorsqu’on évoque ‘’l’avenir’’ du tourisme au Japon sur une échelle de temps plus ou moins courte,j’ai décidé de rappeler quelques consignes de base en ces temps difficiles :
1. Pensez à votre santé et à la santé de vos proches.
2. Évitez les lieux bondés quelque soit le pays où vous vous trouvez.
3. Lavez-vous les mains comme si vous étiez vierge ascendant vierge avec une lune en capricorne.
4. Portez un masque si vous êtes malade.
5. Alternative souhaitée à la consigne ci-dessus : toussez sur Trump.
6. Évitez les commentaires racistes.
Et pour tous ceux qui paniqueraient à l’idée de manquer de papier toilette au Japon,ne vous inquiétez pas, le jet d’eau des WC japonais n’aura jamais été aussi utile !
Sources
BOUISSOU, Jean-Marie, « Coronavirus au Japon : crise sanitaire et crise politique », Ouest France, 2020. [En ligne] à l’URL: https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/point-de-vue-coronavirus-au-japon-crise-sanitaire-et-crise-politique-6763256
JAPAN TOURISM AGENCY (coll.), « White Paper on Tourism
in Japan, 2019 », mlit.go.jp, 2019. [En ligne] à l’URL: https://www.mlit.go.jp/kankocho/en/siryou/content/001312296.pdf
LASTOE Stacey, «Attractions closed and events canceled amid coronavirus outbreak », CNN, 2020. [En ligne] à l’URL: https://edition.cnn.com/2020/03/02/news/coronavirus-closures-tourist-attractions-and-events/index.html
WEEKENDER EDITOR (pseud.), « Coronavirus: Tokyo Asks People to Avoid Cherry Blossom Parties », Tokyo Weekender, 2020. [En ligne] à l’URL: https://www.tokyoweekender.com/2020/03/coronavirus-tokyo-asks-people-to-avoid-cherry-blossom-parties/
@Fréderic effectivement, il n'y avait personne au tournoi après vérification de l'info, donc ''à huit clos'' est plus approprié :) Merci pour votre passage !
haha, la consigne N° 5 m'a tué !! ^^ J'adore. Petite remarque sinon, je crois que vous confondez les expressions " à guichet fermé" et " à huis clos", concernant le tournoi de Sumo.