Le week-end dernier, j'ai déjeuné avec une amie que je n'avais pas vue depuis longtemps. C'est donc entre fou-rires et bonne humeur que nous avons rattrapé le temps perdu, et que j'ai fait une découverte… surprenante.
Travail, amour, santé, tous les sujets de discussions dignes des plus grandes pipelettes de la planète ont été abordés, avant d'entamer celui des vacances, et notamment des vacances d'hiver de l'année dernière (oui, ça faisait très longtemps qu'on ne s'était pas vues).
Vous ne le savez pas, mais pour Noël j'ai eu de la visite, celle de mamie Frenchy Japan, 83 printemps, qui a quitté chat et feux de l'amour pour venir passer quelques semaines à Tokyo en ma compagnie !
À cette occasion, nous sommes allées à Nara et à Kyoto faire un peu de tourisme, et c'est donc tout naturellement que nous avons visité Fushimi Inari- Taisha (伏見稲荷大社)[Kyoto], site dédié à la divinité Inari (稲荷神) et célèbre pour ses innombrables torii.
Alors que je lui parle de la rencontre épique de ma grand-mère et d'un daim sous le doux soleil de décembre, mon amie m'interrompt pour me dire à quel point elle nous a trouvé courageuses d'être allé à Fushimi.
Et il y a de quoi ! Personnellement, je ne pensais pas que ma grand-mère était capable de marcher autant à son âge ! Et bien que nous ayons dû faire quelques pauses lors de notre périple au milieu des bois, nous avons quand même pu visiter une grande partie du site.
C'est donc avec beaucoup de fierté que je commence à vanter les qualités de marcheuse de ma comparse d'excursion, quand mon amie me reprend et s'explique enfin : ce n'est pas tant l'âge de ma grand-mère qui l'a étonnée, mais plutôt le fait d'aller volontairement à Fushimi Inari- Taisha sachant que cet endroit est peuplé… de yôkai (妖怪) !
A ce moment-là, j'ai ris. Non pas parce que je me moquais de mon interlocutrice, mais parce que j'ai été très surprise !
Les yôkai sont des esprits du folklore japonais. Gobelins, monstres, fées, fantômes ou simple esprits de la forêt, il en existe des centaines, et ils font partie intégrante de la culture japonaise païenne.
Imaginez donc ma tête lorsque mon amie, pas superstitieuse pour un sou et n'ayant pas plus d'affinités que cela avec le monde religieux, me prend de court en m'avouant qu'elle croit aux yôkai !
Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'on me raconte ce genre de choses. J'ai également un ami, interne en chirurgie et qui ne croit que ce qu'il voit, qui m'a avoué accélérer le pas à la nuit tombée dès qu'il passait devant un petit mausolée non loin de son hôpital. Parce que oui, les yôkai ça n'existe pas, mais dans le doute, il vaut mieux ne pas trop s'attarder.
Vous commencez maintenant à me connaître, cette histoire de yôkai m'a intriguée : comment le culte des esprits s'inscrit-il dans la société actuelle ? Quels sont les liens entre religion et folklore au Japon ? J'ai donc mené ma petite enquête…
Quelques exemples de yôkai
Avant de retracer brièvement l'histoire de cette croyance populaire, laissez-moi vous présenter quelques yôkai et leurs principales caractéristiques.
En effet, les yôkai prennent des formes diverses et variées. Qu'ils apparaissent sous les traits d'animaux, qu'ils prennent une apparence similaire à la nôtre, ou qu'ils se manifestent de manière complètement surréaliste, ces esprits ont toujours quelques “spécificités’‘…
Le Kitsune (狐)
Le kitsune est certainement le yôkai le plus connu du Japon. De l'apparence d'un renard, il aime se jouer des voyageurs perdus dans les montagnes en leur faisant des farces. A l'occasion, il prend également possession des humains pour les tourner en ridicule.
Appartenant à la famille des obake (お化け), les yôkai pouvant se métamorphoser, il pourrait aussi, dit-on, prendre l'apparence d'une femme afin de manipuler les hommes. Certains kitsune pousseraient même la blague un peu trop loin et iraient jusqu'à se marier avec ces derniers !
Mais ne mettons pas tout le monde dans le même sac ! Certains esprits-renards choisissent aussi d'embrasser la lumière, en chapeautant le bon déroulement des moissons et en protégeant les femmes voyageant seules. Petit plaisantin oui, mais avec parcimonie s'il vous plaît !
Le kappa (河童)
Le kappa est un reptile aquatique de la taille d'un enfant. Vivant généralement autour d'un sanctuaire shinto, il est très proche des humains qu'il aide régulièrement : irrigation des cours d'eau, chaponnage des orphelins, prévention des noyades, il sait se rendre utile et aime qu'on le récompense d'un concombre de mer.
Cela dit, méfiez-vous de l'eau qui dort ! Le kappa est aussi ce qu'on appelle communément un gros pervers ! Il soulève les jupes de femmes et tente souvent d'abuser des baigneuses en maillot de bain.
Le Kotengu (小天狗)
Le kotengu prend l'apparence d'un gros oiseau vêtu d'un kimono. Disons-le tout de suite : vous ne regarderez plus les volatiles de la même manière après avoir lu cela !
Son passe-temps préféré ? Attaquer les passants, violer les femmes, cambrioler les maisons, et séquestrer à l'occasion deux ou trois personnes. Charmant !
L’oni (鬼)
L’oni est un ogre à la peau rouge et aux cornes pointues vivant dans les enfers bouddhiques.
Et s'il a une apparence humanoïde, ce n'est pas un hasard ! A l'origine, l’oni est un humain damné à qui le roi Enma (閻魔) [roi des enfers] a accordé le privilège de le servir. Son rôle ? Châtier les pécheurs, répandre les maladies, et sûrement encore deux ou trois autres petites besognes bien sympathiques.
Le Kasa Obake (傘おばけ) [dit aussi Karakasa kozou]
Le kasa obake est littéralement un parapluie muni d'une bouche, d'une paire d'yeux et d'une unique jambe en guise de manche.
Et s'il peut paraître effrayant, il n'en est pas mauvais pour autant ! Son activité principale ? Surprendre les personnes qui franchissent le hall d'entrée ! Selon lui, c'est amusant…
Les yôkai, c'est donc comme les jelly belly : vous ne saurez jamais réellement s'ils sont bons ou mauvais avant d'en rencontrer un.
Pourtant cette ambiguïté est nécessaire à la survie du culte ! Elle est liée au fort syncrétisme religieux qui existe au Japon et qui permet aux différentes croyances de coexister.
Des yôkai et des dieux
Afin de subsister, une croyance populaire doit pouvoir s'intégrer aux religions dominantes.
En effet, bien que le folklore et la religion existent indépendamment l'un de l'autre (on peut croit en ’'Dieu” sans forcément prêter attention aux croyances populaires, et vis-versa), le folklore a besoin de la religion pour gagner en légitimité.
C'est pourquoi, par exemple, la plupart des cultes campagnards d'Europe ne sont plus considérés aujourd'hui comme des cultes à part entière mais comme des superstitions, voire des légendes.
Trop éloignés du christianisme, ils n'ont pas su s'intégrer au mouvement religieux dominant qui s'est alors construit en totale opposition à eux : croire aux esprits de la forêt, ou à tout autre chose que le Dieu unique était ainsi considéré comme de la sorcellerie et pouvait vous coûter la vie. Il fallait donc à tout pris que ces croyances disparaissent !
Heureusement pour le culte des yôkai, les religions bouddhique et shinto sont plus facilement maniables, et leurs cosmogonies, favorables à l'incorporation d'esprits.
C'est pourquoi, le culte n'a toujours pas disparu de nos jours. Plus encore, il a toute sa place dans ces deux religions. Et certains yôkai ont même des rôles à jouer au sein de ces dernières.
Citons l'exemple de la divinité Inari.
Bienfaitrice du sanctuaire de Fushimi à Kyoto, Inari est la déesse des moissons et de la fertilité. Reconnue comme un kami (神), une divinité shinto, Inari est pourtant représentée aujourd'hui comme un “gros” kitsune, si j'ose dire.
En effet, de l'apparence d'un renard, elle aurait également la capacité de prendre l'aspect d'une femme pour piéger les hommes qui osent s'en prendre à ceux qu'elle protège (acteurs, prostituées, et femmes infertiles entre autre). A l'image donc du kitsunequi aurait la capacité d'ensorceler ces messieurs pour se jouer d'eux.
Historiquement parlant, le culte a été popularisé au XVIIe siècle, soit plus de dix siècles après l'arrivée du shinto au Japon. Pourtant, les écrits sacrés évoquaient déjà un kami des moissons au VIIIe siècle. Du nom d’Ine-ari (稲成り), ce dernier avait alors une apparence humaine.
Ce n'est que bien plus tard qu'on rattacha l'idée du kitsune protecteur à l'image d’Ine-ari, divinité des moissons, pour donner Inari, le kami qui se manifeste sous la forme d'un renard.
Et bien que les origines d’Inari restent encore floues, tout laisse donc à penser que le culte actuel résulterait de la rencontre entre la religion shinto et la croyance aux yôkai.
Du côté du bouddhisme, le tengu (天狗) est l'exemple parfait du yôkai qui se soit intégré à la religion dominante.
Représenté comme étant un ennemi de bouddha, ce petit ogre au long nez rouge vivrait dans les montagnes proches des monastères et tourmenterait les moines.
Un exemple célèbre est celui du tourment d'un prêtre de la montagne Yamabushi au XIesiècle.
Le jeune prêtre en soif de reconnaissance aurait alors pactisé avec un tengu pour obtenir la célébrité. Quelques années plus tard, il se présenta à l'empereur, malade, et le soigna miraculeusement, obtenant ainsi la reconnaissance de tous. Mais les prêtres du palais, jaloux et suspicieux, commencèrent à demander des explications. Et c'est là que le jeune moine n'y tenant plus, avoua sa faute et tomba en disgrâce.
Ce qui est intéressant dans ce récit, c'est l'image néfaste du tengu, construite en totale opposition à celle de Bouddha, et non de paire comme l'image d'Ine-ari et du kitsune.
Et c'est là, un joli exemple de la manière dont le folklore a de se marier à la religion : incarner le concept du mal.
En effet, l'appréhension du monde repose sur le principe de dualité : l'enfer et le paradis dans les religions du livre, le bien et le mal en philosophie, les serviettes et les torchons dans la cuisine de notre grand-mère.
La religion bouddhiste faisant également référence à un enfer, il a donc fallu matérialiser cet enfer. Bouddha n'étant pas un dieu à la base, mais un homme, l'idée que des créatures, crées et déchues par lui, peuplent les lieux n'était pas viable. Une place vacante dans la cosmogonie bouddhique qui représenta donc une véritable aubaine pour le culte des esprits.
Et c'est sur ce syncrétisme qu'est basé l'image du jigoku (地獄), l'enfer bouddhique, dirigé par le démon Enma et peuplé de yôkai qui vous feront amèrement regretter la vie dissolue que vous avez menée sur terre.
L'enfer bouddhique est ainsi en total contraste avec l'enfer shinto, le Yomi no kuni (黄泉)
Là-bas, point de torture ou d'humiliation, l'enfer est composé de champs et de marécages certes très lugubres, mais beaucoup moins dangereux que la lave en fusion du jigoku. Attention cependant aux shikome, ces vieilles femmes qui peuplent l'enfer shinto, elles ne seraient pas si gentilles que cela de ce qu'on en dit.
Cette différence prend alors tout son sens : les yôkai n'étant pas forcément mauvais dans la religion shinto, il ne sert donc à rien d'en peupler tout l'enfer.
Des yôkai et des hommes
Bien que la croyance aux yôkai existait au Japon avant l'arrivée des religions bouddhique et shinto, elle ne s'est homogénéisée que sous Tokugawa (1603-1867) avec l'apparition des premières encyclopédies.
C'est donc en 1776 que Toriyama Sekien publie le premier ouvrage référençant les yôkai, Gazu Hyakki yagyô(画図百鬼夜行 La parade illustrée des cents démons), un bestiaire classant les esprits selon leur habitat et leurs habitudes alimentaires comme on pourrait le faire pour de vrais animaux.
C'est également à cette époque que les arts s'amourachent des yôkai et qu'on commence à les représenter en masse. Poèmes, estampes, croquis, le surnaturel passionne alors les plus vifs esprits : c'est l'âge d'or du culte.
Ce n'est que sous Meiji (1868-1912), au contact des cultures occidentales, que les Japonais commenceront à se lasser des esprits.
S'inscrivant dans une période de modernisation, le pays est alors obsédé par le progrès scientifique qui le fait sortir de l'obscurantisme.
On commence ainsi à remettre en question le culte, et les premières tentatives d'explications sur l'existence des yôkai sont données.
Parmi elles, les phénomènes naturels sont les plus avancés. Et les esprits d'apparence animale ne seraient en réalité qu'une personnification des animaux dont ils ont les traits, leurs pouvoirs surnaturels n'étant que le reflet de la force physique de ces derniers.
A l'image du tanuki (狸), un yôkai à l'apparence de chien viverrin, dont les bourses et le ventre larges amèneraient bonne fortune à quiconque le croiserait, ces attributs étant en fait naturellement imposants chez le chien viverrin.
Cette période voit également émerger quelques explications géo-politiques, certainsyôkai d'apparence humaine étant en réalité une représentation de menaces bien réelles pour le Japon.
C'est le cas par exemple du Mikoshi-nyûdô (見越し入道), un esprit ayant pour trait un vieil homme chauve au long cou s'attaquant aux moines bouddhistes. Ce yôkai serait alors une allégorie des moines chinois, sautant à la gorge de quiconque ose s'opposer à leur vision de la religion.
C'est aussi à cette époque, qu'on établit un lien entre le folklore japonais et les folklores chinois et indien.
Démystifié sous Meiji, le culte des yôkai regagne de sa superbe au milieu du XXe siècle.
Relique du passé, il est alors le témoin d'un héritage culturel traditionnel qui donne lieu à de nombreuses mises en avant : expositions à thèmes, romans, manga ou cinéma, les esprits sont partout !
De la jeune fantôme aux cheveux longs Sadako dans le cinéma d'horreur, au charmant chat Totoro de Ghibli, on crée même de nouveaux yôkai !
Citons également le célèbre Ge Ge Ge no Kitaro (ゲゲゲの鬼太郎), un manga des années 1960 du mangaka Shigure Mizuki, retraçant les aventures de la bande de Kitaro, un jeune yôkai, qui a grandement contribué à re-populariser le culte des esprits sur l'archipel.
En effet, la franchise a connu un tel succès qu'elle a donné lieu à de nombreuses adaptations en anime et en film ces 50 dernières années, et une rue près du templeJindai-ji à Chôfu lui est même dédié avec des magasins reprenant l'univers du manga.
L'apogée du succès ? La yôkaigaku (妖怪学) !
Littéralement “science des yôkai”, cette discipline de sciences humaines dédiée aux esprits a été crée en 1994 par l'anthropologue japonais Komatsu Kazuhiko dans le but d'étudier l'impact des yôkai sur les sociétés humaines. Un objectif très large qui mêle ainsi anthropologie, sociologie, psychologie, littérature, art et histoire.
Bien que le projet soit ambitieux et intéressant, Komatsu est pourtant aujourd'hui le seul chercheur de sa branche. La raison ? Le petit souci d'objectivité de la discipline !
En effet, amoureux des yôkai, Komatsu part du principe que ces derniers existent réellement. Et si étudier l'impact des croyances populaires sur la vie des Japonais au fil des siècles est tout à fait légitime, supposer que des créatures étranges peuplent les paysages locaux, c'est une autre histoire.
Dommage, j'avais presque envie de retourner à la fac…
Des Yôkai et internet ?!
En écrivant cet article, je suis tombée sur une petite perle : Yôkai finder, un site en anglais, crée par l'américain Matthew Meyer en 2012, qui a pour mission de recenser tous les esprits du folklore japonais (voyez donc cela comme le Gazu Hyakki yagyô 2.0).
Vous pouvez ainsi rechercher le nom d'un yôkai, son caractère et son histoire, en fonction de son physique, de son habitat (marécage, forêt…) ou de sa zone géographique ! Vous y trouverez également un abécédaire des esprits japonais.
C'est très sympa et on y apprend beaucoup de choses, comme le fait qu'il y aurait des petits yôkai distributeurs de tofu dans les rues de Tokyo. Moi qui ai toujours un creux lorsque je sors du travail, ça tombe bien !
En continuant mes recherches, je suis également tombée sur une vidéo de Louis-san, un Youtubeur franco-japonais qui présente cinq yôkai pour le moins… originaux.
Décidément, les esprits sont vraiment partout !
(Vidéo : Les yôkai colonisent YouTube)
Conclusion
Bien qu'ils soient issus d'un culte ancestral, les yôkai sont encore très populaires aujourd’hui. Quant à savoir s'ils existent réellement, mystère. Mais si vous êtes réellement motivés à le découvrir, vous pouvez toujours partir à la chasse aux yôkai à Fushimi-Inari.
Ou à la chasse aux pokemon…
Sources :
Articles et ouvrages
FOSTER Dylan Michael, Pandemonium and Parade: Japanese Monsters and Culture of Yokai. Londres: University Of California Press, 2009, 291 p. En ligne à l'URL:https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=Z5WQy5Q6Hj4C&oi=fnd&pg=PR3&dq=yokai+japan&ots=uX9-_tzGtC&sig=o4TRK5n6LTuRLSdNNdr9vnv6_eo#v=onepage&q=yokai%20japan&f=false
LANE Verity, « Go To Japanese Hells », tofugu.com, 2015. En ligne à l'URL: https://www.tofugu.com/japan/japanese-hells/
LONBARDI Linda, « Tengu : The Japanese Demon That’s Basically a Mini-God », tofugu.com, 2016. En ligne à l'URL : https://www.tofugu.com/japan/tengu/?series=yokai
WIKIPEDIA (coll.), « Inari Okami », wikipedia.org. [En ligne] à l'URL: https://en.wikipedia.org/wiki/Inari_%C5%8Ckami
Sites
→ Yôkai Finder : http://yokai.com/finder/
→ Chaîne YouTube de Louis-san :https://www.youtube.com/channel/UCqfANd8RDXTcQddXMwwgUmA
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