On peut le dire, le COVID-19 maîtrise sa présence médiatique. Radio, Télé, journaux, son nom a réussi à faire le tour du monde en quelques semaines seulement comme un mauvais tube de l’été. Il suffit d’allumer son téléphone pour constater qu’on parlera aujourd’hui encore du coronavirus, et que les sujets le concernant se déclinent à l’infini comme les aventures de la petite Martine. Notamment lorsqu’on aborde le cas Japon, dont la situation actuelle a de quoi faire jaser les médias occidentaux.
Entre le nombre officiel de cas qui grimpe en flèche depuis le report des JO (NDLR: on recense 1,033 cas à Tokyo ce lundi 06 avril), le couvre-feu non obligatoire mis en place sur la capitale-aujourd’hui épicentre national de l’épidémie- et les deux masques lavables par foyer que le gouvernement prévoit de distribuer à 50 000 ménages d’ici les semaines à venir, les informations fusent et les esprits s’échauffent.
Alors que l’état d’urgence vient d’être déclaré dans plusieurs préfectures, dont Tokyo et Osaka, j’ai décidé d’aborder la nouvelle sereinement en partageant ces quelques lignes.
Exit les spéculations sur le futur de la nation et les ‘’je vous avais bien dit que les chiffres allaient augmenter après le report des jeux #NousSachons’’, je ne veux ni tirer de plan sur la comète ni dresser de bilan d’information comme on pourrait en lire un peu partout. J’aimerais plutôt évoquer ici un sujet que je trouve tout autant d’actualité mais beaucoup plus positif : l’importance de souffler et de faire le tri… médiatique.
Vers de nouvelles habitudes et au-delà !
S’il y a bien une chose que le COVID-19 a bousculée, ce sont les habitudes. Métro, boulot, dodo, nous sommes nombreux à travers le monde à avoir vu notre normalité changer. Il a donc fallu s’adapter et recréer un quotidien qu’on espère temporaire, où de nouvelles habitudes ont vu le jour quand d’autres se sont retrouvées mises à pied.
Pour part, cela passe bien entendu par le travail à la maison. Plus besoin de me maquiller ni de porter de tailleur, je vaque désormais à mes occupations sans mascara et en bas de pyjama (rebaptisé‘’pantalon d’intérieur’’pour l’occasion). Je bois également deux fois plus de thé qu’auparavant, la bouilloire de la maison étant plus proche de mon ‘’bureau’’ que celle de l’open-space ne l’était.
Oui, je me suis recréé ma normalité. Et avec elle, c’est tout un cheminement d’introspection qui a suivi.
Repenser l’expatriation quand sa famille est confinée à plusieurs milliers de kilomètres, se retrouver avec soi-même lorsque le travail et la vie sociale deviennent secondaires, la pandémie m’a fait prendre une pause forcée plus que bénéfique sur le plan du développement personnel. Elle m’a également ouvert les yeux sur le besoin urgent que j’avais de lever le pied, et de faire le tri entre mauvaises habitudes et bons réflexes. A commencer par ma consommation de médias, moi qui ai tous les jours le nez dedans.
Surinformation, mal-information, la tambouille qui ne passe plus
Le tapage médiatique autour du COVID-19 m’a tout d’abord fait prendre conscience d’une chose : nous traitons très mal l’information, lecteur comme rédacteur.
Ayant moi-même les deux casquettes, c’est quelque chose qui m’a frappé assez rapidement lorsque j’ai vu les premiers sujets sur le Japon paraître.
D’un côté, nous avons le Japon au pays de Monsieur Propre, un archipel sain, où les gens se lavent les mains et portent des masques contrairement aux petits français craspougnes. De l’autre, un pays qui va mal, où le gouvernement court à sa perte et où le peuple est dans la rue à demander un confinement total qui ne vient pas. Entre les deux, nous avons effectivement une information plus objective.
En tant que lectrice, je suis assez dérangée par tout ce flot d’idées contraires et extrêmes qui déferle dans les journaux. Un trop-plein d’affirmations et de contradictions, qui fait qu’il est très difficile de retraiter l’information à son petit niveau. Pourtant, c’est bien là ce que je recherche quand je commence un article d’actualité !
J’ai 27 ans, je n’ai pas besoin qu’on me tienne la main pour me créer une opinion. Et encore moins si l’opinion qu’on me propose est tellement forte qu’elle en balaie les faits ! Je veux pouvoir faire ma petite tambouille intellectuelle tranquillement, en utilisant les données relatées dans les articles comme si elles étaient des ingrédients.
Oui mais voilà, les journalistes semblent aujourd’hui plus chefs étoilés que maraîchers. Et non contents de délivrer l’information, ils la cuisinent au prisme de leurs propres interprétations.
Attention je n’ai rien contre l’interprétation ! Cela dit par les temps qui courent, je pense que cette dernière a plus sa place sur un blog que dans un journal d’information.
En effet, on sous-estime souvent la puissance des mots. Et notamment, des mots prononcés dans des colonnes ou des émissions à plusieurs milliers de vues. Il est donc très mal venu d’extrapoler et de mal informer la population, surtout en période de stress international !
Car oui, la surinformation et la mal-information peuvent être anxiogènes !
Personnellement, c’est ce que j’ai pu constater...
Quand je me lève et que lis un article intitulé ‘’COVID-19 : la capitale japonaise au bord du gouffre’’ (NDLR : j’espère que ce titre caricatural n’existe pas! S’il existe, toute vraisemblance est vraiment fortuite), non ça ne m’aide pas à relativiser ! De même lorsque je lis des articles qui idéalisent la propreté sur l’archipel.
OUI, les Japonais ont plus facilement le réflexe masque sur le nez que les Français lorsqu’ils sont malades. OUI certains Japonais aimeraient des mesures un peu plus strictes de la part du gouvernement. Est-ce que ça explique pour autant à 100 % que le nombre de cas déclarés au Japon soit moins important que celui annoncé sur l’hexagone ? Est-ce que ça signifie également qu’on a une tendance générale à vouloir un confinement total au dépriment de ce que le gouvernement préconise ? D’ailleurs est-ce que le confinement total est vraiment la meilleure des solutions à ce jour ? Tant de questions sur lesquelles il est difficile de réfléchir quand on lit des articles à la lecture trop orientée !
A contrario, j’ai pu noter que les reprises de données dénuées d’interprétation me rassuraient. Pourquoi ? Tout simplement parce que réfléchir par soi-même est un bon moyen de s’approprier les faits. Et ainsi de s’habituer à son rythme à cette nouvelle réalité qui dérange. Ma petite cuisine a donc pour moi une vertu thérapeutique, et c’est pourquoi je trie désormais soigneusement les articles de presse que je vais lire pour n’en garder que les ingrédients bio.
Comme une continuité logique, cette omniprésence médiatique m’a aussi fait réfléchir sur ma manière de délivrer l’information.
Pigiste de métier, j’ai aussi à écrire des articles sur le COVID-19 au Japon dans le cadre de mon travail. Et petite confidence parce que c’est vous : ce n'est pas si facile que ça de se détacher de ses propres opinions quand on a les deux pieds dans le plat.
Je vis au Japon. J’ai moi-même un ressenti sur ce que je vis, mais j’essaie de ne pas en faire part. J’interroge aussi bien Monsieur Propre que l’expatrié qui voit le mal partout, et même si j’ai envie de frapper les deux à coup de bambou, je ne le fais pas (car déjà, ce n’est pas très professionnel) et je traite leurs propos à égalité lorsqu’on me demande de dresser le portrait des opinions sur l’archipel. De même, je m’efforce de rappeler les chiffres officiels du COVID-19 dans le pays sans essayer de trouver une explication derrière car ce n’est pas une Question-Con.
Et pourtant, je sais pertinemment que l’objectivité absolue n’existe pas ! Un article commence à être subjectif dès l’élaboration de son plan, et le choix des mots n’est jamais anodin. Je crois néanmoins qu’il est toujours possible de les rendre un peu plus comestibles pour le lecteur, en essayant autant que faire se peut de neutraliser les résultats de sa tambouille personnelle.
Quoi qu’il en soit la pandémie m’aura permis de réfléchir avec plus d’assiduité sur les deux versants d’une même pièce. Et ça, c’est plutôt positif !
Resocialiser les réseaux sociaux
Pour terminer cette courte réflexion, j’aimerais évoquer le cas d’un type de média qui est n’existe pour le coup que pour le subjectif : les réseaux sociaux.
Que ce soit Facebook ou Instagram, le COVID-19 est évidemment un sujet de choix pour ses utilisateurs. Et c’est bien normal, puisqu’il a fait une entrée fracassante dans la vie personnelle de chacun d’entre nous.
Comme pour la presse d’information, j’ai également ressenti le besoin ces dernières semaines de faire le tri. Notamment sur Instagram, puisque plusieurs comptes n’étaient plus en adéquation avec mon désir de prendre du recul.
Devant le besoin de lever la soupape, je me suis ainsi désabonnée de tous les comptes Japon qui prônaient les promenades sous les cerisiers en fleur alors que les injonctions sanitaires préconisaient de rester chez soi.
On peut croire que le virus s’est arrêté à la frontière de son quartier ou de sa ville, on peut vouloir profiter de l’archipel sans les effets du tourisme de masse, mais il ne faut pas oublier que c’est aussi jouer avec le feu. Et étant plutôt dans une période d’introspection, je ne ressens plus le besoin aujourd’hui de suivre des comptes pour de jolies photos. Je suis désormais des personnes ou des projets qui me semblent intéressants, et qui correspondent à mon état d’esprit.
Car c’est bien là je pense le secret d’une consommation médiatique réussie : il faut qu’elle fasse sens pour celui qui l’opère !
Rappelons-le, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises personnalités. Comme il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises logiques. Les pro-Japon-propre et les Nous Sachons ont tous deux des arguments qui font sens dans une certaine mesure. L’important est simplement de ne pas s’emballer, et de faire un tri qui nous correspond pour que notre nouveau quotidien fasse sens et que cette période difficile se passe le plus sereinement possible.
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