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Rencontre: Kôdô Nishimura, une âme engagée aux côtés de la communauté LGBTQ



(Photo:Seth Miranda)
(Photo:Seth Miranda)



C’est dans le cadre de mon travail, pour un article paru dans le dernier numéro du magazine Japon Infos, que j’ai pu rencontrer Kôdô Nishimura. A 31 ans, ce Tokyoïte mène de front deux carrières bien distinctes : moine bouddhiste au temple familial, et make-up artist pour les médias et les concours de beauté. Singulier ? Probablement. Incompatible ? Certainement pas !

Sensible et bienveillant, Kôdô milite aux côtés de la communauté LGBTQ. Et que ce soit en toge ou à l’aide de ses pinceaux, il est bien déterminé à véhiculer un message de tolérance sur l’archipel, lui qui est ouvertement gay.



Afin de laisser une trace de cette rencontre sur le blog, j’ai décidé de partager avec vous quelques brèves de notre conversation. Ces dernières sont centrées sur la situation de la communauté LGBTQ au Japon, un thème que je voulais approfondir lors de cet échange très enrichissant. Cette courte retranscription se pose ainsi en complément de mon travail (que je vous invite à lire au préalable) qui retrace, lui, le parcours hors du commun de cette âme engagée, de son enfance difficile à sa formation monastique, en passant par les coulisses des concours Miss Univers qu’elle connaît comme sa trousse à maquillage.



(Kôdô en session maquillage, pour les photoshoots comme pour les concours Miss Univers. Photos: Seth Miranda, 2018-2019)




[12:48] Avez-vous dû réfléchir longtemps avant de devenir moine ?


[12:53] J’ai dû vraiment y réfléchir, car je suis homosexuel, j’aime le maquillage, j’aime porter des talons. Donc je ne savais pas si j’allais être accepté dans cette communauté.


[15:45] Au Japon, le bouddhisme a beaucoup évolué. Maintenant, les moines peuvent se marier. Ils peuvent manger ce qu’ils veulent. Ils travaillent aussi à côté, car certains ne pourraient pas survivre autrement. Beaucoup sont profs, d’autres sont médecins. L’important est de diffuser un message d’égalité, que tout le monde peut être sauvé et aimé. Le reste [la sexualité y compris], ce n’est pas un problème.


[16:49] Personnellement, je n’essayais pas de détruire le bouddhisme [quand il a choisi de devenir moine], j’essayais de faire en sorte que tout le monde soit accepté. J’essayais d’être moi-même. C’est pour cela que je peux être confiant aujourd’hui dans mon rôle de moine. En aidant à mon tour les personnes qui se sentent différentes. Surtout que beaucoup de personnes dans le monde se sentent limitées par la religion! La religion n’est pourtant pas là pour brimer les gens. Elle est là pour les aider à s’épanouir et à se sentir bien avec soi-même. Je pense qu’il est important aujourd’hui, surtout en tant que religieux, de repenser au but de la religion. Au but premier.




(Nishimura, lors de sa formation monastique. Photo:Seth Miranda, date inconnue)
(Nishimura, lors de sa formation monastique. Photo:Seth Miranda, date inconnue)



[28:48] Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre engagement auprès de la communauté LGBTQ ? J’ai lu que vous offriez des cours de maquillage aux personnes LGBT, c’est bien ça ?


[29:04] Oui ! J’ai commencé à animer un séminaire de maquillage LGBTQ friendly à Tokyo en 2015-2016. Plus ou moins. Car je voulais aider les personnes transgenres à se maquiller correctement. Je dis que c’est ‘’LGBTQ friendly’’, car tout le monde peut venir. Si je réduisais le séminaire aux personnes transgenres ou LGBT, ça serait aussi discriminatoire.

Pendant le cours, je leur apprends par exemple comment couvrir une barbe rasée. Car la peau à cet endroit peut être un peu bleue. Du coup, il faut utiliser un crayon orange, qui est la couleur complémentaire, pour atténuer les tons. Et surtout, je ne leur dis pas ‘’il faut faire ça ou ça pour être plus féminin(e) ou masculin(e)’’. Je n’utilise pas ces termes, car je pense que si vous pensez que vous êtes une femme, alors vous êtes une femme. Les femmes sont toutes différentes, que ça soit au niveau de leur corps ou de leur expérience de vie.


[32: 11] Comment cela fonctionne, du coup ? C’est tous les mois ?


[32: 19] Ce n’est pas tous les mois, c’est vraiment quand j’ai le temps. Maintenant, je n’en fait pas à cause du COVID, mais avant, dès que j’avais le temps, j’en faisais. L’année dernière par exemple, j’en ai fait 3 week-ends de suite, le samedi et le dimanche. Il n’y a pas de limite d’âge. J’accepte tout le monde. Même les dames de 60 ans ou les ado de 16 ans. Le cours est en japonais, mais je parle anglais et espagnol, donc si je peux expliquer, tout le monde est le bienvenu, même les étrangers !



(Kôdô en session maquillage lors d’un séminaire make-up LGBTQ friendly. Photo:Seth Miranda, date inconnue)
(Kôdô en session maquillage lors d’un séminaire make-up LGBTQ friendly. Photo:Seth Miranda, date inconnue)




[34: 14] Quelle est la situation de la communauté LGBTQ au Japon aujourd’hui ? Le gouvernement semble plutôt opposé à l’idée d’écouter leurs revendications. Est-ce que leur voix se fait de plus en plus entendre ?


[34: 38] Mon opinion, concernant la communauté LGBTQ, est qu’elle se fait de plus en plus entendre. Avant, le gouvernement ne se prononçait pas, car les personnes LGBTQ se cachaient. Maintenant, il nous reconnait un peu.

Je ne pense pas qu’ils vont nous donner ce qu’on attend tout de suite. Parfois, les gens ont besoin de prendre du recul et d’apprendre car ils ont peur. Je pense que c’est ce que le gouvernement fait. Mais je suis optimiste pour l’avenir. Surtout que les Japonais ne sont pas brimés religieusement [NDLR- les deux religions dominantes que sont le shintoïsme et le bouddhisme reconnaissent la communauté LGBTQ]. Donc s’ils en apprennent un peu plus sur la communauté LGBTQ, il n’y a pas de raison qu’ils disent ‘’non’’ indéfiniment [NDLR- le gouvernement refuse encore de légaliser le mariage de même sexe au niveau national].

Personnellement, c’est mon devoir et mon but de représenter la population LGBTQ au Japon à travers mes activités. Les gens ont besoin de comprendre qui nous sommes, de voir qu’au fond, nous sommes exactement pareil que tout le monde.




(Militant et bienveillant, Kôdô retrace aujourd’hui son parcours dans un livre. Photo: Phébé Leroyer, 2020)
(Militant et bienveillant, Kôdô retrace aujourd’hui son parcours dans un livre. Photo: Phébé Leroyer, 2020)



Kôdô Nishimura a sorti un livre en juillet dernier intitulé ‘’Seisei Dôdô : Watashi ga suki na watashi de iinda’’ (Juste et Honnête : je peux vivre comme je veux). Il nous partage quelques mots.

*Le livre sera prochainement traduit en anglais


[34: 31] C’est une autobiographie, mais également un livre pour inciter à vivre librement et à écouter son cœur. J’y parle de comment je suis devenu confiant face au fait que j’étais japonais et homosexuel, mais je parle aussi de mon expérience de vie aux USA, et de pourquoi je me sentais inférieur aux autres. Le bouddhisme soutient les personnes LGBTQ depuis 2000 ans en réalité. Et aujourd’hui, il y a beaucoup d’autres personnes célèbres ou d’entreprises qui soutiennent cette cause. Donc je pense que si les gens s’intéressaient un peu plus à l’histoire, à notre histoire, il n’y aurait aucune raison de se sentir inférieur.



Mon article est à retrouver dans le numéro d’octobre de Japon Infos, à commander ici.



Un grand merci à Kôdô Nishimura pour cette interview.



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