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[Top] 3 articles d'anthropologie sur le Japon – spécial “figures de la masculinité contemporaine”






Cette semaine, j'ai été plutôt occupée : entre le travail, les cours de japonais que j'avais plus ou moins laissé en stand-by, et mes ̶d̶r̶a̶m̶a̶ émissions culturelles à regarder, je n'ai pas eu le temps d'écrire de choses intéressantes pour le blog. NÉANMOINS, j'ai eu le temps d'en lire !

C'est pourquoi, j'ai décidé de vous présenter une toute nouvelle série de top : “3 articles d'anthropologie sur le Japon”. Et cette semaine, ce sont les hommes qui sont à l'honneur ! Grands oubliés des études sur le genre, ces Messieurs ont pourtant eux aussi des choses à nous dire dans une société où la pression sociale les pousse à toujours se dépasser. J'ai donc choisi ici  3 articles mettant en avant des figures de la masculinité contemporaine : le père de famille déboussolé, l’Idol masculine source de fantasme chez les fans japonaises, et l’host dont le travail est bien souvent apparenté à tort à la prostitution.






1/“L’homme qui n’élève pas ses enfants ne devrait pas être appelé un père” ? Les tendances du discours sur la paternité et le dilemme paternel au Japon (version française)







De quoi ça parle ?


Un très bel article sur la paternité au Japon. Dans une société où les hommes subissent le poids des injonctions sociales, le rôle de père tend à se modifier. Si depuis la fin de la guerre, le père « pourvoyeur » de revenus reste le modèle qui domine au sein de la famille contemporaine, de plus en plus d'hommes désirent s'impliquer dans l'éducation de leurs enfants, au même titre que la mère. Pris entre leurs devoirs sociaux de n'être quele “gagne-pain” du foyer et leurs envies personnelles, certains Japonais essaient alors tant bien que mal de jouer sur les deux fronts.


Ce que j'ai aimé : 


On ne parle pas souvent des pères de famille japonais en sciences sociales, et encore moins en français ! J'ai beaucoup aimé la manière dont le sujet est présenté : Futoshi Taga, sociologue à l'université du Kansai, nous retrace tout d'abord rapidement l'évolution des modèles de paternité qui existent au Japon depuis les années 1940, allant du père « pourvoyeur », au père « soigneur » s'impliquant dans l'éducation des enfants à minima, en passant par le père « socialisateur » pour qui le simple fait de prendre le repas du soir en famille, en costume trois pièces suffirait à donner aux enfants un modèle social à suivre (à savoir celui du bon citoyen qui travaille). Cette rétrospective débouche alors sur un état des lieux de la paternité au XXIe siècle où le chercheur nous explique les déboires de ces hommes privés de responsabilités éducatives par le biais de témoignages. Cette partie de l'article m'a beaucoup touchée ! On y apprend notamment que les pères japonais ne passent en moyenne que 3h par jour avec leurs enfants, et que les longues heures au bureau, le fait que le couple ne compte bien souvent que sur un seul revenu pour vivre, ou encore l'injonction sociale voulant qu'un vrai homme ne s'implique pas dans les questions d'éducation, seraient à la base du mal-être pesant sur les pères japonais. En réponse à cela, on voit aujourd'hui émerger de nouveaux modèles de paternité, visant à ré-équilibrer les rôles éducatifs au sein du foyer. Un article émouvant qui montre donc que les sociétés patriarcales ne sont pas non plus toujours très tendre avec le sexe fort.



(Photo : Sinon, il y a aussi le modèle “Dark Vador”, Luke ne s'en est jamais vraiment plaint)




2/ L'amour codifié dans les host clubs de Tokyo (version anglaise)



(Photo : Deux hôtes dans un club de Tokyo (source : Japan Info))




De quoi ça parle ?


Depuis que le premier host club a ouvert ses portes dans la capitale en 1966, le nombre de salons n'a cessé d'augmenter dans les grandes métropoles japonaises. L'anthropologue Akiko Takeyama consacre ici un article à cet endroit très particulier où l'amour est au service de l'économie.


Ce que j'ai aimé :


J'ai beaucoup aimé la description minutieuse que l'auteur fait des clubs d’hôtes. Du moment où la cliente passe la porte du club pour choisir son host de la soirée, à celui où elle quitte les lieux, en passant par les confidences échangées autour d'un verre de champagne facturé à plus de 40 000 yens la bouteille (350 euros).


Ici, Takeyama dé-caricature la profession : Être hôte, ce n'est pas seulement compter fleurette à une vieille dame pour lui rappeler sa jeunesse d'antan, c'est être la fois psychologue, échappatoire vivant, et source de fantasme pour une clientèle n'ayant bien souvent même pas 40 ans. Que ces dernières soient en manque affectif après un mariage malheureux, ou qu'elles aient simplement envie de se faire traiter comme une princesse le temps d'une soirée, les femmes qui fréquentent les hosts clubs ne le font pas toutes pour les mêmes raisons.


En outre, être host NE signifie PAS être gigolo ! La place que la sexualité occupe dans la relation hôte-cliente est alors tout à fait bien décrite par la chercheuse. Bien que certains hôtes n'hésitent pas à coucher avec leurs clientes, les relations sexuelles sont officiellement interdites au sein des clubs, et le meilleur host sera celui qui arrivera à fidéliser sa clientèle sans offrir de service plus intimes que celui du flirt.


Si l'article se veut un plaidoyer en faveur de la profession d’hôte, il n'en omet cependant pas le côté noir des host clubs. En effet, certains hôtes n'ont pas de limite dans la pseudo-romance qu'ils entretiennent avec leurs clientes, et se faire entretenir en dehors du club par ces dernières afin de réaliser des objectifs personnels, comme créer son propre club ou encore s'acheter une voiture, ne serait en réalité pas si rare.



(Photo : Comment fidéliser sa clientèle sans aller trop loin ? Tout est dans les branches de lunettes!)




3 /Les Idols de la Jonnhy’s : Désirs féminins, fantasmes et consommation de l'image des idols masculines (version anglaise)







De quoi ça parle ?


Un article écrit par Kazumi Nagaike, professeur à l'université d'Oita, sur la relation fantasmée qu'entretiennent les fans japonaises avec les idols masculines. Les idols sont des artistes multifonctions au Japon : tour à tour chanteurs, acteurs, présentateurs télé, ils sont recrutés très jeunes par leur agences et s’entraînent de nombreuses années en chant et en danse avant de faire leur début officiel, bien souvent au sein d'un groupe. Parmi les idols masculines, les membres de la Johnny’s, L’agence de boys-band par excellence au Japon, sont réputés pour avoir des hordes de fans qui les suivent à chacun de leur déplacement.


Cette étude nous montre alors comment l'image des idols est crée par la Jonnhy’s pour correspondre aux besoins psychologiques et sociaux inconscients des fans japonaises, et comment les fans participent elles-mêmes à la création de l'image publique de leurs idols.


Ce que j'ai aimé 


N'étant pas du tout familière avec le monde du divertissement japonais, j'ai apprécié en apprendre un peu plus sur le monde des idols où chaque membre de boys-band à son rôle à jouer : le leader du groupe, plus ou moins charismatique, qui agit comme le grand-frère protecteur dont on rêve toutes ; le bad boy dit “tsundere”, aka le-type-au-regard-de-braise-adepte-du-kabedon ; le gentil garçon, véritable prince charmant tout droit sorti d'un livre de conte ; ou encore le joyeux luron de la bande, l’idol drôle et toujours de bonne humeur, même après que les fans lui aient mis des barrettes dans les cheveux pour la 34e fois lors du fan-meeting ; tous ces rôles sont en grande partie scénarisés par l'agence et fondent le concept marketing sur lequel repose les boys-bands japonais.


Pourtant, bien que la Jonnhy’s soit à la base du concept, ce sont les fans qui exploiteront ce dernier et qui lui donneront toute sa légitimité. En effet, l'analyse montre que les fans ne sont pas passives dans leur consommation des contenus médiatiques : par les fanfictions ou les forums, elles participent au marketing du groupe en produisant du contenu qui alimentera les fantasmes de leur communauté. Les fans ne sont donc pas que des moutons ! Merci Kazumi Nagaike de nous le signaler, c'est assez rare en sociologie des médias de masse.



(Photo : Parce qu'être fan est une profession a temps plein pour certaines…)




Le coin lecture


→ NAGAIKE Kazumi, « Jonnhy’s Idols and Icons : Female desires to fantasize and consume male idols images ». Dans : “ Galbraith P. W., Karlin J. G., Idol and Celebrity in Japanese Media Culture, 2012”. p. 97-113. [En ligne] à l'URL : https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=Qoyqey1LU44C&oi=fnd&pg=PP1&dq=akb48&ots=WxPZ5TZ_th&sig=E0cPCO75qhcMfC6BWYbhev5ep-c#v=onepage&q=akb48&f=false


→TAGA Futoshi, « “L’homme qui n’élève pas ses enfants ne devrait pas être appelé un père” ? Les tendances du discours sur la paternité et le dilemme paternel au Japon », Recherches sociologiques et anthropologiques, 2007. p. 27-45. [En ligne] à l'URL : https://rsa.revues.org/457


→ TAKEYAMA Akiko, « Commodified Romance in Tokyo Host Club ». Dans : “McLelland Mark, Dasgupta Romit, Genders, Transgenders and Sexualities in Japan, 2005”. p. 200-215. [En ligne] à l'URL :http://www.academia.edu/325713/Commodified_Romance_In_a_Tokyo_Host_Club


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