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Comment le Japon m’a servi de thérapie






La semaine dernière en traînant sur un forum dédié au Japon, je suis tombée sur un postqui m'a interpellée : un jeune homme cherchait des conseils sur comment se déplacer à Tokyo lorsqu'on a peur de la foule et des transports en commun.


Si le sujet en lui-même n'était déjà pas banal, c'est surtout la réaction des internautes qui m'a le plus surprise. Le conseil quasi-unanime du forum ? Reste chez toi !


C'est vrai, pourquoi vouloir voyager quand on est incapable de mettre le nez dehors dans son propre pays sans se sentir mal ? Pourquoi s'infliger des centaines de pas dans des rues bondées, entouré d'inconnus qui ne parlent pas notre langue, en risquant la crise de panique ? C'est un peu mazo tout ça, non ?


Non ! On peut vouloir découvrir de nouveaux horizons en ayant peur de sortir de chez soi, et on peut se déplacer dans l'une des plus grandes villes du monde en souffrant de phobies sociales. Je suis ochlophobique, et je vis à Tokyo.





Ces gens qui ont peur des gens…




Non, je ne suis pas folle ! Et bien que mes écrits vous laissent parfois penser le contraire, moi et moi-même allons très bien. J'appartiens simplement à cette catégorie de personnes qu'on appelle communément les ochlophobiques, les phobiques de la foule. Enchantée !




Vous ne connaissiez pas le terme ? C'est normal. En général, on nous confond avec les agoraphobes, ces merdeux qui ont peur des grands espaces, et avec les claustrophobes, ces petites natures qui palissent à la vue d'un ascenseur vide (plein, je compatis, je ne fais pas ma fière non plus).


Bien entendu, je plaisante ! Mais en général lorsque vous êtes atteint de phobie, vous êtes souvent confronté à ce genre de préjugés qui veut que parce que vous avez peur de quelque chose, vous êtes automatiquement relayé au rang de pleutre, voire dans le pire des cas, de fou à lier.




Pourtant, on a bien tous nos esprits ! Mais en cas de crise d'angoisse, notre corps réagit plus rapidement que notre cerveau. Et on a beau se raisonner en se disant que ça va aller et qu'on ne mourra pas au rayon papier-toilettes du supermarché, s'il y a 48 personnes qui nous poussent pour accéder au dit-papier parce qu'il y a une grosse promo ce jour-là, on ne se sent pas bien. Vraiment pas bien !


Nausées, étourdissements, palpitations, mains moites, souffle court, on a l'impression que le malaise vagal n'est pas loin. Pire encore, la vie et l'anatomie étant mal faites, plus on essaie de prendre sur nous, plus on angoisse, et quelquefois le seul moyen que notre corps trouve pour arrêter la crise, c'est malheureusement le fameux malaise vagal.




Alors oui, on peut paraître fou. Et bien souvent, comme moi, on essaie d'aller en thérapie.


Psychologues, psychiatres, rebouteux, j'en ai vu des personnes qui ont essayé de me soigner ! Pourtant rien n'y faisait ! J'ai pris des médicaments, j'ai suivi des séances de thérapie avec des couleurs, d'autres avec des dessins, d'autres où on m'agitait des pendules au-dessus du nez, et je ne me sentais toujours pas bien lorsque je devais marcher dans une rue pleine de passants.



Parce que oui, j'étais à un stade assez avancé d'ochlophobie. Marcher sur un boulevard ? En pressant le pas, la tête baissée et en évitant tout contact visuel avec autrui, pourquoi pas. Suivre des cours en amphi ? Toujours au premier ou au dernier rang à l'extrémité du gradin près de la porte de sortie, parce que s'il y a un problème c'est le meilleur moyen d’éviter les mouvements de foule. Aller à une soirée d'anniversaire un samedi soir ? Il y aura combien de personnes ? Plus de dix ? Ah, samedi c'est dommage, j'ai déjà quelque chose de prévu…


N'y allons pas par quatre chemins : en France, je ne sortais presque pas de chez moi.


Alors imaginez la réaction de mon entourage quand je leur ai annoncé que j'allais partir vivre un an (initialement) à l'autre bout du monde !



(Moi, en société)




mais qui voyagent !



Je n'aime pas les gens, mais j'aime les cultures étrangères. Et c'est pourquoi j'ai décidé de voyager (et pour pouvoir valider mon master aussi accessoirement).


En effet, je partais du principe que ma phobie ne passerait jamais. Alors, quitte à se sentir mal jusqu'à la fin de mes jours, autant découvrir de nouveaux endroits où s'évanouir avec allégresse !



Bien évidement, j'étais très stressée de partir à l'étranger toute seule. Et le fait qu'on essayait de m'en dissuader n'arrangeait rien : « Mais comment tu vas faire là-bas si tu fais un malaise dans la rue ? », « A Tokyo, il y a beaucoup de monde tu sais », « Mais ça va aller toute seule ? Nan parce que c'est déjà difficile pour toi d'aller au supermarché en France, alors j'imagine pas au Japon hein ». Non, n'imagine pas, merci !




Effectivement, c'était assez stressant… de prendre l'avion.


Toutes ces rangées de sièges occupés dans un espace clos sans échappatoire possible, quand vous n'êtes pas à l'aise avec autrui, c'est très perturbant ! Heureusement, il y a toujours ces deux petits sièges isolés près de la porte de secours au premier rang de la classe éco qui vous permettent de vous installer confortablement avec votre phobie sociale en ayant à côtoyer en tout et pour tout qu'un unique autre être humain. Bénie soit l'aéronautique !




Après, Tokyo… ça va.


(Ah la promiscuité dans l'avion…)




Neuf millions d'amis et peu de soucis



Neuf millions, c'est le nombre de personnes qui vit à Tokyo en moyenne.


Six millions c'est le nombre de personnes qui utilisent les transports ferroviaires tous les jours dans la capitale japonaise selon le dernier rapport de TaxiCaps.


Deux, c'est le nombre de fois par jour où je dois prendre le train ou le bus.


Zéro, c'est le nombre de fois où j'ai fait un malaise en deux ans à cause de l'ochlophobie (l'anémie, c'est une autre histoire).




Et oui ! Pas une seule fois je ne me suis sentie mal au point de voir des petites étoiles dans les rues de Tokyo. Bien évidemment, j'ai mis du temps à m'habituer aux transports en communs tokyoïtes, et je vous avoue que mes premières semaines dans la capitale japonaise n'étaient en rien différentes de celles que je pouvais passer en France. J'étais toujours mal à l'aise à l'idée d'aller dehors, j'avais toujours quelques vertiges lorsque je devais prendre les transports en commun, et je ne sortais pas beaucoup de chez moi par peur d'avoir peur.


Pourtant, je me suis très vite rendue compte que l'angoisse s'estompait au fur et à mesure que je prenais le train ou que je marchais dans la rue. À sa place, un étrange sentiment que je ne ressentais habituellement qu'à la maison : la sécurité.



Je ne dirais pas que le Japon est parfait, loin de là ! Mais s'il y a bien une chose qui me plaît ici par-dessus tout (et croyez moi que pour dépasser les croissants choco du konbini, il faut y aller), c'est l'anonymat et le calme dont font preuve les foules.


Que ce soit dans le train, dans le bus, ou dans les files d'attentes, à part les bruits émanant de quelques énergumènes, il règne toujours un silence de mort. Et croyez-moi que si vous êtes sujet aux crises d'angoisse, il est beaucoup plus simple d'essayer de respirer lorsque tout est calme autour de vous que lorsque que le petit Julien, 10 ans, pique une colère auprès de sa mère pour avoir un Carambar… ou un Iphone.



En plus du fait d'être relativement peu bruyantes, les foules japonaises vous rendent anonymes. Et à l’extrême puisqu'on ne vous regarde pas !


Vous pouvez sortir en pyjama, décoiffé et portez des chaussettes avec des tongs, personne ne vous dira rien (sauf moi : les chaussettes avec les tongs, faut arrêter, d'accord ?).


Je ne sais pas ce qu'il en ait pour les autres personnes souffrant de phobies sociales, mais le regard des autres a été pour moi l'une des choses qui a fait que je me sentais mal en société.


Je suis petite, très fine et j'ai un léger handicap. Toutes ces choses ont alors fait que quand j'étais enfant, j'ai souvent mal vécu le regard des autres. J'ai commencé à me replier sur moi-même et une chose en entraînant une autre, je suis devenue un véritable crabe, incapable de sortir de sa coquille (et accessoirement de son appartement).


C'est pourquoi, passer inaperçue dans la foule, c'est un peu comme trouver un soda japonais au raisin qui n'a pas le goût de dentifrice : une bénédiction !


Enfin, quand je dis “inaperçue”, pas vraiment… je suis étrangère. Et on ne peut pas ne pas me remarquer dans une foule d'asiatiques. Mais la différence qui existe entre le Japon et la France, c'est tout simplement qu'ici, je sais pertinemment que si on me regarde en premier lieu, c'est parce que je suis typée occidentale, et non parce que je suis très fine ou je ne sais quoi. Je me dis alors que tous les autres étrangers seraient regardés de la même manière, et ça va mieux !


Bien évidemment, les pensées des autres me restent inconnues. Et il y a sûrement parfois des regards désobligeants. Mais du moment qu'ils ne se voient pas sur les visages que je croise, c'est tout ce que mon subconscient demande pour aller bien. Et pour cela, je ne remercierai jamais assez la poker-face japonaise !



Néanmoins, bien que la mentalité locale ait permis d'atténuer mes angoisses, il ne faut pas croire que j'ai été miraculeusement guérie par Bouddha en posant les pieds sur le sol japonais.


Et il arrive encore parfois, lorsque je suis fatiguée, que je ne me sente pas bien lorsque qu'il y a beaucoup de monde autour de moi.






Les p'tits trucs de Mamie Frenchy Japan



Si comme moi les mouvements de foule vous effraient, voici quelques petites astuces afin d'éviter au maximum la cohue tokyoïte.




1. Toujours rester près de la porte



(source : Tofugu)




Tous les phobiques du monde entier vous le diront, la porte de sortie c'est LA survie !


Et au Japon, les transports étant bien faits, la plupart des trains s'arrêtent à toutes les stations. Donc si vous n'êtes pas bien, restez près d'une porte, sortez 5 minutes du wagon et attendez le prochain train.




2. Prendre les trains locaux



(source : Japan Guide)




Comme dit plus haut, la plupart des trains s'arrêtent à toutes les gares, à l'exception des rapides, et des express. Donc si vous ne pouvez pas rester trop longtemps enfermé dans le même wagon que de parfaits inconnus, privilégiez les trains dits “locaux” (普通, ふつう, futsuu). Même si le trajet prendra plus de temps, ces trains seront généralement moins bondés que les rapides. Bonus ? Ils sont moins chers !





3. Éviter les grandes lignes







Selon les heures et les jours de la semaine, certaines lignes de train et de métro sont à éviter sous peine de ne faire qu'un avec la vitre. Et ne nous mentons pas, même si la foule ne vous dérange pas, ce n'est jamais agréable d'avoir son menton collé à la porte du train ou pire encore, au dos dégoulinant de sueur de M. Tanaka, 57 ans, chargé de communication à Shinjuku.


Afin d'échapper à ces moments gênants, pensez à utiliser des lignes plus petites, quitte à prendre une ou deux correspondances.


Pour rappel, les lignes à éviter entre 7h30-9h30 du matin : la Yamanote (toutes directions), et la Chuo (direction Tokyo).



4. Privilégier le bus



(source : The Japan Times)




Le chauffeur s'arrêtant à chaque station dès qu'on lui demande, il peut être préférable de prendre le bus si vous ne supportez pas le métro ou le train (je m'adresse aux claustrophobes ici). D'une part vous verrez le paysage et vous ne vous sentirez pas oppressé, et de l'autre, il y a généralement moins de personnes dans les bus que dans les wagons de la JR.


Attention cependant à avoir du temps devant vous puisque les bus au Japon sont tributaires de la circulation.






Conclusion



Si vous avez des phobies sociales, VOYAGEZ !


Parfois, sortir de votre quotidien peut-être bénéfique. Si vous n’êtes pas à l'aise dans votre environnement, changez-en au lieu d'essayer de vous changer vous-même. Attention, je ne dis pas qu'il ne faut pas faire un travail sur soi en amont, bien sûre que non ! Les phobies sociales et tout autre ‘’trouble psychologique’’ (comme on dit dans le jargon médical) sont à prendre très au sérieux et peuvent devenir très handicapants s’ils ne sont pas pris en charge, voire dangereux pour la personne en elle-même (je pense notamment aux idées noires qui peuvent conduire une personne à mettre fin à ses jours dans le cadre de dépressions chroniques) , mais si rien ne semble fonctionner (dans le cadre des phobies sociales hein, je ne m’avancerai certainement pas sur le terrain de troubles plus sérieux), partez tout simplement prendre l'air ! Que ce soit dans une autre ville ou dans un autre pays.


Personnellement, je ne me vois pas retourner vivre en France un jour. J'ai essayé les campagnes, j'ai essayé les grandes villes, et j'ai compris désormais que c'est tout simplement l'air ambiant qui ne me correspond pas. C'est pourquoi je sais que si je dois un jour partir du Japon, j'irai sûrement découvrir d'autres cultures.


La terre est grande, alors pourquoi faire une crise de panique dans sa rue lorsqu'on peut la faire à New-york ou à Bangkok ?






Référence :


- TAXI CAPS IN TOKYO (Col.), « Tokyo’s Taxis : a report from the front lines of texi rides », taxi-tokyo.org.jp, 2015. [En ligne à l'URL] : http://www.taxi-tokyo.or.jp/english/datalibrary/pdf/hakusyo2015all_en.pdf






PS: Je ne veux pas de victimisation ou a contrario de commentaires désobligeants à l’encontre des personnes atteintes de phobies sociales suite à ce post ! N’oubliez jamais que vos commentaires sont lus par d’autres, et que certains pourraient être blessés par vos propos. Le but de cet article est avant tout d’encourager ces personnes à voyager et à croire en elles. Ce n’est pas parce que vous avez des phobies de sociales que vous ne pouvez pas partir à l’autre bout du monde ! En espérant que ce billet en aidera certains. Merci de votre compréhension.


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