Policier, sportif, conducteur de train, lorsqu’on demande aux petits japonais ce qu’ils voudraient faire plus tard, les réponses fusent. Et bien que Maman et Papa rêvent de voir Satoshi devenir employé de bureau (d’après le sondage annuel de l’entreprise Kuraray (2019) dont les résultats ne changent pas depuis 1999), ces chères têtes brunes sont encore et toujours attirées par l’image du héros que véhiculent certaines professions. A commencer par le métier de pompier, qui arrive en quatrième position des ‘’jobs de rêve’’ des moins de 10 ans.
Qu’il vente, qu’il pleuve, ou qu’il fasse beau, les pompiers font en effet partie intégrante du paysage quotidien au Japon. Ils servent la communauté de jour comme de nuit, et sont pris en haute estime par la population qui les considère comme de véritables héros. Notamment à Tokyo, qui compte aujourd’hui le plus grand nombre de soldats du feu au monde, juste après la ville de New-York.
Quel est donc le quotidien des pompiers de la capitale ? Qui sont vraiment ces héros des temps modernes qui concurrencent Doramon dans le cœur des petits japonais ? C’est ce que j’ai été demander à l’équipe de Takai Mikio, pompier en charge de la caserne de Yotsuya-sanchôme dans l’arrondissement de Shinjuku.
La petite histoire des casernes de Tokyo
C’est en 1629 que se crée le premier groupe de pompiers à Edo, à l’époque où les maisons de bois sont le terrain de jeu favori des incendies, et où les seaux d’eau sont encore la meilleure arme qui soit pour lutter contre le feu.
Rassemblés au sein du Hikeshi (火消), un système de lutte contre les incendies qui deviendra le Département de Police de Tokyo en 1881, les premiers pompiers de la capitale ont déjà un mode opératoire millimétré : on arrive en kimono sur les lieux du désastre en file indienne ; on brandit le matoi avec fierté (un piquet de bois et de papier sur lequel sont inscrites les armoiries de la caserne à laquelle est rattaché le lieu du sinistre) ; et on s’attelle comme on peut à la besogne en espérant que les flammes soient aussi douces qu’un peu de saké en bouche.
D’ailleurs, savez-vous quelle était la méthode préconisée à l’époque ?
Détruire les bâtiments autour de celui qui est en feu pour éviter que l’incendie ne se propage ! Une méthode certes extrême mais ingénieuse, qui permettait de limiter les dégâts à défaut d’enflammer les conflits de voisinage.
Si le taux de réussite n’était pas forcément mauvais pour l’époque compte tenu du matériel et de la poisse à répétition qui s’est abattue sur celle qu’on surnommait ‘’la ville des incendies’’, il faudra attendre l’ouverture du pays à l’Occident à la fin du XIXe siècle pour voir réellement le travail des shobô-gumi (消防組, littéralement ‘’équipes à incendie’’) porter ses fruits.
L’équipement se modernise alors, les premières calèches à pompe font leur apparition sur la voie publique, et l’uniforme se dote maintenant d’épaisses couches de laine et d’un cache-nez pour limiter les risques de brûlures et d’asphyxie : on entre enfin dans une nouvelle ère !
Aujourd’hui, les masques à gaz ont remplacé les caches-nez. Et l’équipe spéciale du département de police est devenue le Département des Incendies de Tokyo en 1948.
Cela dit, le dévouement de ceux qu’on nomme désormais shobôshi (消防士, pompiers) est resté intact. Le dernier rapport annuel du département (2019) recensait ainsi plus de 18,500 pompiers sur la capitale, et 303 casernes fonctionneraient d’arrache-pied dans tout le grand Tokyo pour assurer la sécurité des citoyens. La ville est toutefois maintenant découpée en 10 zones (ou districts) où les pompiers interviennent toujours en équipe, le matoi en moins.
Comme autrefois, le première zone d’intervention prend naissance au Palais Impérial et s’étend de Marunouchi à Azabu. Le deuxième district regroupe les quartiers sud de la capitale aux alentours de Shinagawa, le troisième district prend sous son aile les très animés Shibuya et Ebisu, et ainsi de suite pour couvrir l’ensemble de la métropole jusqu’à Hachioji, aujourd’hui considéré comme le plus important district de la ville pour les pompiers en terme de surface et de zone d’action.
Quant au 4e district rattaché aux arrondissements de Shinjuku et de Suginami, c’est là où je me suis rendue pour tenter d’en apprendre un peu plus sur les pompiers de Tokyo...
Shobôshi tu deviendras
Takai Mikio est pompier depuis vint-neuf ans. Si aujourd’hui c’est le plus haut gradé de la caserne de Yotsuya-sanchôme, il a d’abord dû passer les examens du barreau de feu comme n’importe quel aspirant shobôshi. Des examens organisés par tranche d’âge qui sont ouverts aux ressortissants japonais de 18 à 29 ans, et dont la limite d’âge varie en fonction des zones d’intervention :
« Le premier recrutement, c’est à 18 ans pour les personnes qui viennent de finir le lycée et qui veulent devenir pompier. On y recrute aussi des personnes autour de la vingtaine qui ont fait des senmon gakkô par exemple [ndlr : des écoles professionnelles post-lycée]. Ensuite, il y a un recrutement pour les plus de 22 ans, pour les personnes qui ont terminé la fac. Enfin, le dernier recrutement se fait à partir de 29 ans, mais c’est la limite. Après 30 ans, on n’accepte plus […] En réalité, ça varie selon les lieux. Parfois on arrête le recrutement à 25 ans. Ça dépend vraiment des villes et des casernes. Mais chez nous, c’est jusqu’à 29 ans. »
Bien qu’on ne demande aucune compétence particulière pour devenir pompier au Japon, la limite d’âge est importante ici puisqu’elle permet d’éliminer les candidats en moins bonne forme physique.
En effet, le sport est un élément important de la sélection des futurs pompiers. Et il faut s’assurer que les futures recrues aient des yeux de lynx et un corps d’athlète pour pouvoir transporter le matériel et supporter l’équipement qui fait à lui seul plus de 20 kg :
« Il y a d’abord un examen écrit, puis un examen physique. Par exemple, on teste l’assiduité visuelle ou on regarde l’endurance […] On doit aussi courir un 500m en étant chronométré et ceux qui ne font pas un bon temps sont recalés […] Après, il y a un entretien. C’est seulement si vous réussissez l’ensemble des tests que vous pouvez commencer la formation pour devenir pompier. »
Si la sélection peut paraître difficile, il y a pourtant quelques fois des aménagements. Comme lorsque le futur pompier est lunetteux , et qu’il est réellement motivé à devenir shobôshi. S’il passe les autres examens avec brio, il pourra ainsi opter pour des lentilles de contact en intervention ou pour un travail de bureau s’il ne peut pas se passer de lunettes :
« On peut porter des lentilles, mais on n’a pas le droit de porter de lunettes sur le terrain. Si vraiment on a une mauvaise vue, on peut toujours faire un travail de bureau ou conduire le camion. Mais on ne pourra pas aller sur le terrain, notamment parce qu’on porte des masques et que ce n’est pas pratique avec des lunettes »
Une fois les examens d’entrée réussis, c’est direction l’école de pompier que les futures recrues vont apprendre les rudiments du métier. Architecture, médecine, ou encore méthodes d’intervention, elles devront être capables de maîtriser tout un tas de sujets relatifs aux professions de la caserne en six mois :
« Quand vous réussissez les tests d’entrée, vous allez en formation pendant six mois. On a une école où on apprend le métier de pompier. Par exemple, on apprend comment évolue un feu. On a aussi des cours sur le bâtiment, sur la santé en générale et le corps humain. Toutes sortes de choses en fait ! Après, on apprend aussi des choses pratiques comme comment conduire une ambulance ou comment donner les soins de premiers secours. »
Être attentif à l’école est ici primordial, puisque les futurs pompiers devront ensuite se confronter à la réalité du terrain durant un stage de six mois supplémentaires aux côtés de leur potentielle future équipe :
« A la fin des six mois de cours, on a un mémoire à rendre. Ensuite on peut commencer à travailler en stage pendant 6 autres mois pour se faire un peu la main et gagner de l’expérience. Donc en tout, avant de devenir un vrai pompier, la formation dure un an. »
Si tout se passe bien, c’est donc au bout d’un an de formation que les apprentis pompiers pourront revêtir fièrement leur costume de héro local, sans cape ni épée.
Si dans l’imaginaire collectif les shobôshi restent les principaux acteurs de la caserne, il existe pourtant un deuxième moyen de devenir pompier au Japon. Un moyen beaucoup moins sélectif mais tout aussi valorisant : devenir shobôdan, pompier volontaire.
La voie tout aussi noble du Shobôdan tu suivras
Selon le dernier rapport annuel de l’Agence Japonaise du Management des Catastrophes Naturelles et des Incendies (2018), l’archipel compterait en effet plus de 843,660 pompiers volontaires.
Tout comme les pompiers professionnels, les shobôdan sont amenés à suivre un recrutement avant de pouvoir exercer leurs fonctions. Ils doivent être de nationalité japonaise, âgés de 18 à 60 ans, habiter le quartier de la caserne où ils postulent, et être en mesure physique de se rendre utile sur le terrain s’ils sont appelés à participer à une intervention :
« Pour devenir pompier volontaire, il faut aussi avoir la nationalité japonaise. Il faut avoir au moins 18 ans et habiter dans le même quartier que la caserne où on veut candidater. Pour les pompiers volontaires, on accepte jusqu’à 60 ans [rires]. Mais en général chez nous, ça va jusqu’à 50 ans. »
Considérés comme des ‘’pompiers à mi-temps’’ dédommagés par la caserne, les pompiers volontaires jouent en réalité un rôle de premier plan en cas de catastrophes naturelles. Ils aident à l’évacuation des lieux en attendant l’arrivée des secours, sont habilités à aider les blessés avec les pompiers professionnels, et doivent patrouiller dans le quartier si incendie il y a eu une fois les shobôshi partis afin de repérer les éventuels signes d’un nouveau départ de feu.
Lors du grand séisme de Nagano en 2014, ils étaient par exemple les premiers à venir en aide à la population et à présenter un plan des victimes à évacuer d’urgence aux pompiers professionnels pour leur faciliter la tâche.
Bien qu’ils aient pour 73 % d’entre eux un métier à temps plein en dehors de leur activité de pompier (2018), les shobôdan doivent régulièrement assister aux réunions d’information de la caserne dont ils dépendent. Ces réunions sont organisées par les pompiers professionnels du quartier, et permettent aux pompiers volontaires de se mettre à jour sur les plans d’action menés par les shobôshi.
Shobôshi et shobôdan sont donc de proches collaborateurs, au point où la limite entre les deux se floute parfois lorsque certains pompiers volontaires n’hésitent pas à sauter le pas et à revêtir l’uniforme H-24. A l’image d’un des plus jeunes pompiers de la caserne qui était shobôdan il y a encore trois ans de cela, et qui a pris plaisir à me raconter sa vie à la caserne.
Une journée à la caserne
7h30. Comme tous les deux jours, l’équipe menée par M. Takai arrive à la caserne. On salue ses collègues, on commence le débriefing avec l’équipe précédente, et on entame la répartition des tâches pour la ‘’journée’’ qui ne se terminera que le lendemain à 7h40.
En effet, les pompiers travaillent par ronde. Un peu comme les Omawarisan. Chaque équipe est composée de 10 à 30 pompiers (selon les casernes), et chaque membre y joue un rôle particulier bien que l’ensemble de l’équipe doit mettre la main à la pâte.
A 25 ans, le sergent-assistant de Yotsuya-sanchôme est l’une des plus jeunes recrues de la caserne. Il doit de ce fait participer à la majeur partie des tâches, et cela commence dès 8h du matin avec l’inspection de l’équipement, une tâche essentielle pour assurer le bon déroulement des prochaines opérations :
« En premier quand on arrive, on va vérifier le matériel. On vérifie les pompes, on va nettoyer l’ambulance, on vérifie si tout fonctionne bien pour pouvoir travailler. Ensuite, on se réunit avec les seniors et on regarde ce qu’il reste à faire. Si il y a des interventions, bien sûr, on y va. »
D’après le dernier rapport du Département des Incendies de Tokyo (2019), la capitale japonaise compte plus de 1,970 camions de pompier, 489 camions à pompe, et 7 hélicoptères. Il faut donc une matinée entière aux jeunes recrues pour faire briller tout ça, sans oublier bien évidemment le temps alloué à vérifier les masques, les défibrillateurs, et tous les autres appareils qui passent souvent inaperçus auprès des petits écoliers qui n’ont d’yeux que pour le gros camion rouge.
(L’équipement actuel)
Vers 13h, c’est au réfectoire de la caserne que toute l’équipe prendra le déjeuner. Un déjeuner préparé à tour de rôle par les membres de la team, puisqu’il est interdit d’aller acheter quoique ce soit au konbini, la nourriture des supérettes n’étant pas bonne pour la santé à long terme :
« Le midi on mange tous ensemble. On n’a pas le droit de manger au konbini. On doit préparer à manger soi-même. On a une petite cuisine, donc on cuisine pour l’équipe et on mange tous ensemble. C‘est vraiment sympa ! »
L’après-midi, c’est du côté de la gym que les pompiers iront. Haltères, tapis de course, ou encore équipement de kendo, la salle de musculation de la caserne aurait de quoi rendre jalouses toutes les fit girls d’Instagram. La journée se termine enfin au bureau, pour remplir les dossiers et effectuer diverses tâches administratives avant de fouler le sol du dortoir pour les plus chanceux :
« L’après-midi, on va à la gym, on s’entraîne. Et le soir on fait du travail de bureau, on fait les dossiers, les choses comme ça .»
Si la journée type d’un pompier tokyoïte peut paraître monotone, c’est sans compter sur les interventions régulières et les coups de fil incessants que les pompiers reçoivent.
Toujours selon le même rapport (2019), les shobôshi de Tokyo auraient en effet reçu plus de 1,552,460 appels l’année dernière ! Ils auraient également éteint 3,970 feux, et sorti les camions et les ambulances plus de 818,100 fois pour répondre à diverses interventions.
Pour le sergent-assistant de Yotsuya, les interventions d’urgence et les appels représentent aujourd’hui le plus gros du travail de pompier au Japon, devant la lutte contre les incendies :
« Nous c’est surtout le 119 [les urgences]. Quand les gens ont mal à la tête, quand ils tombent, ils nous appellent pour l’ambulance. Bien sûr, après il y a les incendies et les tremblements de terre, mais le plus c’est quand même l’ambulance. Ça, c’est le plus gros de nos tâches. »
A cela s’ajoute également d’autres tâches comme la prévention contre les sinistres en milieu scolaire, les formations aux premiers secours, ou encore l’inspection de nouveaux bâtiments :
« On fait d’autres choses aussi. Par exemple, on visite les nouveaux bâtiments. Quand un bâtiment vient d’être construit, on le fait visiter aux pompiers pour voir si les normes de sécurité sont respectées et s’il n’y a rien de dangereux. On vérifie par exemple les issues de secours, les escaliers, on vérifie que la structure ne peut pas s’écrouler, ce genre de choses. »
Passionné par son métier, le sergent-assistant de Yotsuya-sanchôme avoue que l’esprit d’équipe et la convivialité aident beaucoup à supporter le planning chargé de la caserne. L’équipe est un peu comme sa deuxième famille, et les gradés sont pour lui d’importantes figures paternelles qu’il respecte autant qu’il apprécie. La hiérarchie est d’ailleurs un élément fondamental du bon fonctionnement de la caserne, et comme pour les interventions, cette dernière est millimétrée à la barrette près.
En effet, une caserne de pompier peut compter jusqu’à 10 grades différents au Japon, tous représentés par un système de barrettes dorées et d’étoiles en argent.
Le premier grade (celui de ‘’membre de caserne’’) n’est constitué que d’une barrette et d’une étoile. Celui de sergent-assistant est composé d’une barrette et de deux étoiles, celui de sergent d’une barrette et de trois étoiles, celui de lieutenant est composé d’une étoile et de deux barrettes, et ainsi de suite pour arriver au grade de ‘’chef pompier’’ dont la barrette est entièrement couverte d’or et ornée de quatre étoiles :
« [A la caserne] il y a une hiérarchie [montre les badges]. On a des capitaines.Le plus haut gradé, c’est celui qui a son badge tout en or avec toutes les étoiles. Il n’y en a que un dans tout le Japon. Mais à la caserne de Yotsuya, le plus gradé, notre leader, n’a que 3 barrettes et 3 étoiles [cela correspond au poste de Chef de bataillon]. Après on est pas obligé de monter en grade. Il y a des pompiers qui restent au plus bas niveau toute leur vie, ça dépend vraiment de ce qu’on veut faire. »
Ambiance conviviale et possibilité d’évolution, la vie à la caserne est probablement l’une des raisons qui font que le métier de pompier fasse encore rêver beaucoup de petits japonais en 2020 (ça et le camion rouge astiqué tous les matins). La profession attire aujourd’hui des hommes et des femmes de tout horizon, et ce, bien que les dangers du quotidien éteignent parfois les prémices d’une carrière.
Une profession qui fait encore rêver ?
A l’heure où le vieillissement de la population est en pleine accélération et où les catastrophes naturelles ont fait de l’archipel leur lieu de villégiature préféré, l’équipe de M. Takai est formelle : le Japon n’a jamais eu autant besoin de pompiers.
Se sentir utile à la société et aider son prochain, pour les pompiers de Yotsuya-sanchôme, la gratitude des citoyens et la dimension héroïque du métier est la première source de vocation chez les futures recrues :
« [Un des points positifs du métier qui nous motivent] c’est déjà le fait qu’on puisse aider les gens et sauver des vies. On se sent un peu comme un héro [rires]. Qu’on puisse sauver des vies et qu’on nous dise merci. C’est gratifiant. »
Oui mais voilà, il n’y aurait plus autant de candidatures en école de pompier qu’auparavant.
Si en 2013, les casernes de Tokyo avait reçu plus de 20,750 candidats à leur concours d’entrée (2019), les deux dernières années on été marquées par un important recul des candidatures. Et en 2018, seuls 14,175 candidats s’étaient présentés aux examens.
Pour M. Takai, plusieurs facteurs seraient à prendre en compte pour expliquer la diminution des effectifs. A commencer par l’aspect héroïque du métier, qui peut être à double tranchant :
« Certaines personnes ont une vision faussée du métier. Elles s’attendent à quelque chose qui est totalement différent de la réalité. On pense qu’on va être un héros, que les pompiers sont ‘’cools’’ et on est déçu du quotidien, du travail en bureau par exemple. »
Si elles suscitent des vocations, les idées reçues sur le métier de Shobôshi peuvent en effet être la source de nombreuses démissions une fois l’uniforme investi. Certains s’attendent à vivre un rêve fait de flammes de 10m de haut pour finir dans un bureau en compagnie d’un ficus et d’un rapport à faire sur la chute dans les escaliers de Tomoko 74 ans, quand d’autres espèrent rester auprès du ficus et finissent en intervention à sortir des décombres des corps sans vie suite à un éboulement de terrain. Dans les deux cas, les jeunes pompiers tombent de haut !
Sans oublier que le métier peut aussi s’avérer très dangereux :
« C’est un métier dangereux. On intervient là où les gens fuiraient […] Bien évidemment il y a les incendies, mais il y a les endroits en hauteur aussi […] ou même les situations courantes. Par exemple à Kabukicho, il y a beaucoup de personnes alcoolisées qui se battent ou qui sont malades. Des fois, ça peut devenir dangereux. »
Les risques du métier, c’est que les futures recrues doivent impérativement prendre en compte avant d’entamer leur carrière. Encore l’année dernière, la caserne de Yotsuya-sanchôme a perdu un jeune membre de l’équipe à la suite d’une intervention: il avait 22 ans.
Si les shobôshi ne semblent plus vraiment susciter de nouvelles vocations, ce n’est pourtant pas le cas des shobôdan.
Devant une situation démographique et naturelle de plus en plus préoccupante, les citoyens japonais s’investissent de plus en plus dans les casernes de proximité. A commencer par un nouveau type de pompiers volontaires: les femmes.
Pour terminer cette entretien, j’ai eu la chance d’interviewer la lieutenant de Yotsuya-sanchôme.
Comme pour ses collègues masculins, elle a d’abord dû passer les épreuves de sélection de la caserne avant de devenir shobôshi il y a 7 ans. Des épreuves qui n’ont absolument pas été aménagées pour elle, puisque les critères physiques demandés à un futur pompier reste les mêmes quelque soit le genre du dit pompier :
« J’ai voulu devenir pompier car je voyais souvent les pompiers aider les gens près de chez moi. Comme il y a de plus en plus de tremblements de terre, je trouvais ça très bien […] J’ai passé les examens d’entrée comme tout le monde et il n’y avait rien d’aménagé. En fait, c’est exactement pareil. Même à la caserne, c’est exactement pareil »
Aujourd’hui, on compte seulement 10 % de femmes au sein des shobôshi. Un pourcentage que le gouvernement aimerait voir augmenter, mais qui demande beaucoup d’efforts de la part de ce dernier pour mettre en place des avantages permettant aux femmes d’allier vie professionnelle et vie de famille. C’est pourquoi, les tests et les conditions de travail peuvent parfois décourager les plus motivées, qui se tournent alors en direction des shobôdan pour vivre leur rêve de pompier d’une autre manière.
Selon l’Agence Japonaise du Management des Catastrophes Naturelles et des Incendies (2018), le nombre de femmes shobôdan a en effet considérablement augmenté ces dernières années. Et là où l’effectif masculin a eu tendance à se stabiliser, l’effectif féminin des pompiers volontaires aurait augmenté de plus de 3 % depuis 2010 avec plus de 1,015 nouveaux effectifs rien que l’année dernière.
Les femmes sont-elles l’avenir de la profession ? Pas forcément. Mais les temps changent et les rêves de petite fille aussi. La preuve : le métier de policier arrivait en 10e position du sondage de Kuraray cette année (2019), alors pourquoi pas pompier l’année prochaine ?
Conclusion
Le quotidien des pompiers japonais n’est pas de tout repos. Les problèmes médicaux ont remplacé les incendies à répétition, les catastrophes naturelles ont augmenté avec le temps, et les défis des pompiers de Tokyo sont aujourd’hui bien différents de ceux de leurs prédécesseurs de l’époque Edo (1603-1868). Bien que leurs priorités aient changé, les soldats du feu restent aujourd’hui encore d’importantes figures du paysage urbain. Ce sont de véritables héros qu’ils soient pompiers de métier ou volontaires, et l’estime que leur portent les citoyens les motive chaque jour un peu plus pour contribuer au bon fonctionnement de la société. Pas de chance cependant : au Japon, les pompiers ne vendent pas de calendrier !
SOURCES :
Sources papier
DEPARTEMENT DES INCENDIES DE TOKYO (Coll.), « Mamoru tame ni idomi tsudzukeru », 2019, 31 p.
Sources en ligne
KAWANO Tomoyuki, « Volunteer Firefighters in Japan », Agence Japonaise du Management des Catastrophes Naturelles et des Incendies, 2018, 18p.
[En ligne] à l’URL : http://www.kaigai-shobo.jp/pdf/20190228_05VolunteerFirefighters_eng.pdf
WIKIPEDIA (Coll.), « Incendies à Edo », date inconnue.
[En ligne] à l’URL :https://fr.wikipedia.org/wiki/Incendies_%C3%A0_Edo
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- Sondage KURARAY, 2019: https://www.google.com/search?q=kuraray&oq=kuraray+&aqs=chrome..69i57j0l7.3031j1j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8
- Documents du Musée du Feu de Tokyo (3 Chome-10 Yotsuya, Shinjuku City, Tokyo 160-0004)
PS: Un grand merci aux pompiers de Yotsuya-sanchôme qui ont bien voulu répondre à mes questions.
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